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pour eux. Au contraire, ils étaient prêts à s’imposer les plus grands sacrifices pour battre cet imbécile de Sarrasin. Mais il y avait des petites dépenses à faire pour l’organisation, et l’on rencontrait des électeurs ben exigeants. C’était honteux de se faire payer pour voter, mais y comprenaient pas ça. L’un, conseiller municipal, avec cinquante dollars, pouvait contrôler cinquante votes. Un autre connaissait un brave homme qui demandait vingt-cinq dollars, juste la somme dont il avait besoin pour payer un billet venant échu à la Toussaint, en échange de son vote, de ceux de ses cinq fils et d’un neveu qui restait à la maison. D’autres s’offrirent sans détour, comme cabaleurs de première force, connaissant toutes les roueries du métier, prêts à tout faire, même à se parjurer au besoin. Tout ce qu’ils demandaient, c’était une petite reconnaissance, comme qui dirait dix, quinze, vingt-cinq ou cinquante dollars, et puis de l’argent, pour acheter quelques gallons de whisky. Car il faut, payer la traite aux électeurs qui viennent au comité, pour les attirer en plus grand nombre chaque soir. C’est là que se fait le bon travail. Il s’en trouva de plus cupides, qui ne pouvaient se déranger à moins de cent dollars.

L’honorable Vaillant les congédia tous en leur disant, qu’il y verrait, qu’il n’avait pas encore prévu ces complications. Mais quand le dernier de ces écumeurs d’élection fut parti, il respira plus à l’aise, débarrassé de la présence de ces tristes individus. Il dit à Mirot, qui l’interrogeait du regard :

— Ces gens-là, malgré toutes leurs protestations de dévouement, seront bientôt chez Sarrasin, lui offrant leurs services aux mêmes conditions, puis au rabais si le commerçant de volailles refuse de se laisser tromper sur la valeur de la marchandise.

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