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le débutant

La nuit venue, une belle nuit calme et tiède d’été, en plusieurs endroits, on alluma des brasiers ardents alimentés de branches sèches. Dans toutes les maisonnettes du village, on avait collé aux carreaux des fenêtres des papiers transparents, bleu, blanc et rouge, qu’éclairaient par derrière une lampe à pétrole. Le coup d’œil était féerique pour ces humbles habitants de la campagne, aux cœurs français. Ce fut du délire à l’apparition de la première fusée dans le ciel serein. Des cris d’allégresse s’élevèrent de partout. En même temps, une compagnie de miliciens d’occasion, armés de fusils de chasse, arriva par le chemin du roi et vint se placer autour de l’estrade d’où on lançait les pièces pyrotechniques qu’à tour de rôle les notabilités de la paroisse et les invités venaient allumer. À partir de ce moment, les détonations se succédèrent presque sans interruption pendant plus d’une heure, mêlées au sifflement des fusées et aux clameurs de la foule.

À onze heures, tout était fini et le village avait reconquis son calme habituel.

Paul Mirot, qui s’était fait une fête de coucher de nouveau dans sa petite chambre sous le toit, toute pleine de souvenirs de son enfance et de sa jeunesse, n’y retrouva pas le charme du passé. Simone qui occupait, au dessous, la chambre, destinée à la visite, était trop près de lui pour qu’il puisse oublier le présent. Et, pourtant, c’était par des nuits semblables de clair de lune, qu’accoudé à la petite fenêtre, tout près, il avait fait de ces rêves merveilleux d’amour et de gloire, comme en font tous les adolescents quelque peu imaginatifs ; c’était par ces belles nuits d’été, pleines d’étoiles, qu’il avait interrogé l’infini pour découvrir le mystère de la création des mondes. Il avait pressenti la puissance de Dieu, dans ces gran-

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