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le débutant

considérait déjà comme sa nièce. Elle se montra pleine de prévenance pour cette dame de la ville. L’accueil de ces vieillards confiants et naïfs toucha madame Laperle au point qu’elle regretta un instant d’être venue. Quand elle se trouva seule avec Paul, elle lui dit :

— C’est mal, tout de même, de tromper ces braves gens.

La fête devait commencer par une messe solennelle. On se rendit au village tout de suite. L’oncle Batèche avait endossé sa plus belle bougrine, pour faire honneur à sa future nièce, et la tante Zoé avait tiré de la vieille armoire de chêne, sa robe de mérinos des grands jours. Les rues du petit village étaient toutes pavoisées de drapeaux et de banderoles tricolores. Devant l’église une foule endimanchée se pressait. Paul Mirot alla de groupe en groupe serrer la main, en passant, aux vieux citoyens qui le reconnaissaient et aux jeunes gens qu’il se rappelait avoir connus à l’école ou après sa sortie du collège. Tous se montraient fiers d’avoir été remarqués par ce jeune homme de la ville, qui gagnait gros asteur, et pas pet-en-l’air avec cela.

Dans le banc familial, dont les places se trouvaient remplies par les seuls êtres qui constituaient sa famille, et celle qu’il aimait le plus au monde, pendant que le prêtre officiait à l’autel, le jeune homme se laissa gagner par une attendrissante émotion. Il retrouvait la poésie de cette foi naïve des humbles, mêlant l’idée de Dieu à toutes les manifestations de la nature. On eut bien étonné ce bon curé de campagne, qui ne sortait guère de sa paroisse, en lui disant, par exemple, que l’on faisait servir la religion à des fins politiques, et que des dignitaires du clergé s’occupaient souvent d’autre chose que du salut des âmes.

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