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le débutant

vaillante française, deux athlètes de l’équipe de football de l’Université de la rue Sherbrooke, que les jeunes fanatiques n’avaient pas remarqués, se jetèrent sur eux et les rossèrent d’importance, leur mettant sur les yeux et le nez en marmelade, l’auréole des martyrs de la foi.

Vers le mois de novembre, Le Flambeau commença à enregistrer des déficits. La circulation du journal avait diminué de moitié dans l’espace de quelques mois, et le revenu des annonces baissait chaque jour. On espérait, cependant, que ce ne serait qu’une crise passagère, lorsqu’un événement imprévu se produisit. Pierre Ledoux, dans La Fleur de Lys, dénonça une conspiration maçonnique épouvantable. Afin d’impressionner l’opinion publique par des mots terrifiants, il parla de secte infâme, de mécréants, de vampires, de suppôts de Satan portant au front le signe de la Bête, et désigna comme faisant partie des loges tous ceux qui revendiquaient le droit de raisonner et d’avoir des opinions autres que les siennes. Dans un de ses plus fameux articles, il exprimait le regret qu’on ne puisse revenir aux temps si glorieux pour l’Église où les libres-penseurs étaient condamnés à mourir dans les supplices, regrets tout imprégnés de mansuétude et de charité chrétienne, et il se consolait par cette non moins charitable pensée : Si nous ne pouvons plus brûler les hérétiques, il nous reste encore la ressource de briser leur carrière, de leur enlever leurs moyens d’existence, en un mot de les exterminer par la famine. C’était sublime !

Pour le personnel du Flambeau, il ne fit aucune exception : depuis le directeur jusqu’au dernier des collaborateurs, tous y passèrent. Sans l’affirmer catégoriquement, Pierre Ledoux insinua que des réunions sataniques se tenaient dans l’édifice même du journal.

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