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prise contre Le Flambeau et son directeur, se poursuivit sans relâche et le journal, dénoncé partout, commença à perdre des abonnés ; plusieurs annonceurs, menacés par leur clientèle bien pensante, durent refuser de renouveler leurs contrats d’annonces. On parvenait, quand même, à tenir tête à l’orage et à joindre les deux bouts, au prix d’un travail excessif et d’une vigilance de tous les instants.

Jacques Vaillant, en pleine lune de miel, ne semblait pas se douter de la gravité de la situation. Mais il n’en était pas ainsi de Paul Mirot, qui commençait à s’alarmer, prévoyant qu’il faudrait abandonner dans un avenir plus ou moins rapproché, l’œuvre entreprise avec tant d’enthousiasme. Il est vrai qu’il oubliait chaque soir, auprès de Simone, les préoccupations de la journée et l’incertitude du lendemain.

Ceux qui n’ont pas connu la saveur des lèvres de la vraie femme, de la femme qui aime et se donne toute entière dans un baiser, ceux-là ne sauront jamais que la liqueur la plus enivrante, le fruit le plus savoureux, ne se trouvent pas dans des plateaux d’argent ou des coupes de cristal, mais dans cette fleur de chair qui s’entrouvre pour le sourire ou pour la caresse, lorsqu’un tendre émoi fait battre le cœur féminin. Durant de longues années, toute la vie même, des hommes ont conservé l’impression toujours aussi intense de baisers semblables, survivant à l’éloignement ou à la mort de celles qui les avaient donnés.

Après le mariage de son ami avec l’américaine, Paul Mirot, préoccupé de l’avenir de Simone, voulut se prévaloir de cet exemple pour la faire consentir à une union légitime, sinon nécessaire à leur amour, du moins indispensable pour satisfaire aux exigences de la loi et de la société. Dans leurs tête-à-tête les plus tendres, aux moments où l’on ne se refuse rien, il

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