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le débutant

tat de l’exploitation des préjugés de la foule ignorante par ceux qui abusent de leur autorité pour satisfaire leur esprit de domination et leurs appétits démesurés. Sous le régime anglais, notre histoire a plus d’un point de ressemblance avec celle des Israélites soumis à une puissance étrangère. Nous nous vantons encore, dans nos fêtes de Saint-Jean-Baptiste, d’être restés français, malgré les siècles qui nous séparent de la France. Cela n’empêche que le sang, qui coule aujourd’hui dans nos veines s’est sensiblement, refroidi et ne correspond plus au sang chaud et généreux du républicain français. La France a marché vers la lumière et le progrès. Nous, nous sommes restés ce qu’était le peuple taillable et corvéable à merci sous le règne des Bourbons paillards, entourés d’une cour fastueuse et corrompue. Les libertés que l’Angleterre nous a garanties, au prix du sang versé par les héros excommuniés de mil huit cent trente-sept, nous en profitons trop souvent, pour satisfaire nos rancunes ou nos intérêts mesquins, ce qui diminue chaque jour notre prestige au bénéfice des anglais s’emparant de tous les postes avantageux, contrôlant, le haut commerce, les grandes entreprises financières et industrielles. C’est bien fait, puisque nous nous contentons de suivre le mouton symbolique qui nous empêche d’apercevoir le loup guettant dans l’ombre le moment opportun pour se jeter sur sa proie

— Oh ! le loup va vous manger, comme dans la fable de monsieur Lafontaine ?

— J’en ai bien peur. Nous perdons tous les jours de l’influence en ce pays. Les français n’émigrent guère chez-nous, et pour cause. On favorise peu, du reste, cette immigration, de crainte que ces colons de France, imbus des idées nouvelles, ne nous apprennent à penser, en un mot, à devenir des hommes. D’un

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