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le débutant

glisser dans son élucubration, des allusions blessantes à l’adresse de l’ancien ministre des Terres, au moyen de citations de Louis Veuillot, ce sophiste vénéré des esprits rétrogrades, parce qu’il fut un redoutable ennemi du progrès. La méchanceté onctueuse de ces allusions blêmit la figure de Jacques Vaillant, quand il eut sous les yeux la feuille fraîchement imprimée du numéro du jour. D’un bond, il fut auprès de l’auteur de cette goujâterie et, le saisissant à l’épaule, il lui demanda, en cherchant à fixer son regard fuyant :

— C’est toi, petit Louis Vieillot, qui a écrit cette saleté ?

— Pierre Ledoux se recula en grimaçant et répondit :

— C’est moi.

Il n’eut pas le temps d’éviter la gifle formidable qui le fit se sauver en appelant au secours. Tout le monde accourut, le gros Pistache et Jean-Baptiste Latrimouille les premiers, qui trouvèrent que c’était intolérable, qu’il fallait en finir avec de pareils scandales. Paul Mirot approuva hautement le geste de son ami et tous deux, prévenant un renvoi certain, demandèrent leur congé. Un étudiant, qui avait raté tous ses examens, et un jeune avocat sans causes, s’étant présentés pour demander de l’emploi au journal, on les remplaça sur l’heure. Ce qui fit dire au gérant de l’administration, un homme de chiffres, et pas autre chose : Des journalistes, y en a plein les rues !

Deux mois plus tard, vers les onze heures du matin, par une fin de semaine ensoleillée Le Flambeau, journal du samedi, à huit pages, faisait son apparition dans la métropole. Au coin des rues, les petits vendeurs de journaux criaient :

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