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le débutant

entrée au journal, une importante maison de commerce de la rue Notre-Dame, loua une demi page du Populiste pour annoncer une nouveauté épatante ; la combinaison pour dame. L’annonce était illustrée d’une vignette représentant une femme moulée dans la combinaison. Pierre Ledoux rougit pudiquement en voyant cette chose immodeste reproduite en blanc et en noir, ses yeux s’agrandirent démesurément, ne pouvant plus se détacher de la gravure. Le lendemain, l’annonce ne parut pas, la maison de commerce qui lançait cette marchandise nouvelle réclama, menaça le journal d’un procès, et on dut la dédommager. Quant au reporter des nouvelles édifiantes, il ne dissimulait même pas sa joie d’avoir dénoncé la cupidité honteuse d’administrateurs qui acceptaient de telles annonces pour lui procurer le pain quotidien.

— C’est abominable !

— C’est comme cela… Aussi, j’en ai plein le dos et je veux savoir si on va bien longtemps continuer à nous traiter de la sorte. Les autres, nos camarades : Modeste Leblanc, André Pichette, Luc Daunais, Louis Burelle, Antoine Debouté, sans parler des nouveaux venus, qui ne font que passer à la rédaction, il n’y a rien à faire avec eux, ce sont des esclaves résignés, mais nous ne sommes pas de ce calibre-là.

— Que comptes-tu faire ?

— Je n’en sais rien encore. Mais mon père m’a dit de me rendre à son bureau avec toi, cet après-midi. Nous allons le mettre au courant de la situation et lui demander conseil.

Ils se rendirent chez le ministre des Terres, aux bureaux du gouvernement, et après avoir fait antichambre pendant une demi-heure, à cause du député de la division Sainte-Cunégonde, Prudent Poirier, le plus acharné solliciteur auprès des ministres, qui avait été

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