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le débutant

nons un peu ce qui s’est passé au Populiste depuis quelque temps. Ça va mal pour nous deux, il n’y a pas à se le dissimuler. Toi, d’abord, tu n’as pas eu de chance. Voilà qu’on te met au reportage, sous la direction imbécile de Jean-Baptiste Latrimouille, tu rates quelques primeurs, ce qui te vaut toutes sortes de désagréments. Puis, on t’envoie faire un cas de misère lamentable, dans un taudis habité par je ne sais combien de familles italiennes, où hommes, femmes et enfants vivent dans la plus repoussante promiscuité, et tu trouves le moyen de décrire d’une façon par trop réaliste, le sans-gêne avec lequel te reçurent ces dames. Faute de temps, pour reviser ta copie, ces horreurs ont paru dans le journal. Sans l’intervention de Marcel Lebon, qui trouve que tu as réellement du talent, ça y était, on te flanquait à la porte. Quant à moi, c’est autre chose. Il faut bien qu’on me tolère, surtout maintenant, parce que je suis le fils d’un ministre, ayant des faveurs à distribuer ; mais on ne me donne pas le plus petit avancement, on me paie toujours le même salaire, et l’onctueux Pierre Ledoux organise contre moi une campagne honteuse. Il insinue, à droite et à gauche, que je suis le pire des mauvais sujets : un jeune homme sans principes ni mœurs. En voilà un que je traiterais avec plaisir à coups de pieds dans le derrière, et tout le monde au journal serait content, y compris Marcel Lebon ; mais, on ne peut l’atteindre, sa personne est sacrée, les administrateurs du Populiste ont été forcés de l’accepter, en le payant grassement, pour se faire espionner.

— Alors, charbonnier n’est plus maître chez-soi.

— Ce bon vieux proverbe n’a pas été fait pour les canadiens… Et, je puis t’assurer que La Pucelle accomplit scrupuleusement sa mission. Je vais t’en citer un exemple, entre mille. Quelques mois avant ton

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