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le débutant
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trouvèrent le divan propice à l’accomplissement de ce dessein. De son bras droit, il fit un oreiller pour la tête de sa bien-aimée, dont les épaules charnues s’appuyaient avec confiance sur lui : « Que je suis bien », dit-elle, en fermant les yeux. Il la regarda dormir près d’une heure, contemplant ses traits que la pureté des lignes faisait ressembler aux profils des déesses antiques, suivant les mouvements onduleux de sa poitrine aux rondeurs provocantes : puis, son regard s’égara à l’ampleur des hanches pour s’extasier ensuite jusqu’à la finesse du pied. Saint-Antoine, dans le désert, en ermite prévoyant, avait le soin de toujours placer sous ses yeux une tête de mort pour résister aux visions troublantes qui venaient le tenter, tandis que le jeune reporter au Populiste n’avait que la pensée de son grand amour, qu’il voulait chevaleresque, pour le faire tenir sage. Quand elle s’éveilla, elle le vit tout pâle et comprit que l’épreuve avait été trop forte. Les jours qui suivirent, elle se montra plus réservée et il en souffrit encore, se croyant moins aimé.


La musicienne avait abandonné le piano sans qu’il s’en fût aperçu et lentement, sans faire le moindre bruit, s’était approchée de son amoureux. Elle l’enlaça de ses bras et lui appliqua un baiser sur le front, telle une muse visitant un poète. Puis, passant les mains dans ses cheveux, elle lui dit tendrement :

— Jure-moi que tu ne la souilleras jamais, ta belle tête d’artiste, que je caresse en ce moment ?

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