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le débutant

faisait causer. Le petit homme appuyait sa tête blonde sur cette poitrine aux contours provocants, respirait avec délices le parfum de cette chair de femme et tâchait de dire des choses jolies pour qu’on lui permît de rester plus longtemps, comme cela, à la même place. Et c’était toujours avec peine qu’il voyait approcher le moment où sa grande amie le remettait debout en lui disant : « Maintenant, mon petit, file vite, on pourrait être inquiet chez-vous. » Elle lui donnait un bon baiser de ses lèvres chaudes et il s’en allait avec l’impression de cette caresse, qui durait jusqu’au lendemain.

Cet amour était toute sa vie, du reste, car chez l’oncle Batèche, qui l’avait recueilli orphelin, à quatre ans, l’existence n’était pas gaie. L’oncle n’était pas méchant, mais il avait ses opinions, des opinions que lui seul comprenait et qu’il s’efforcait d’imposer, chez-lui, pour se venger des rebuffades essuyées au conseil municipal de la paroisse, dont il était l’un des plus beaux ornements. À cet enfant de douze ans, il voulait inculquer des principes sévères de vertu chrétienne en même temps que le goût de la culture de la betterave, dont il aurait fait la grande industrie du pays, si on avait voulu l’écouter au conseil. Paul préférait les amusements de son âge, à ces discours sans suite ; mais, il lui était impossible de s’échapper avant l’heure où le bonhomme partait pour son champ, ou bien s’en allait autre part. La tante Zoé ne valait guère mieux, comme intelligence, cependant, elle avait plus de bonté de cœur. À sa façon, elle aimait bien le petit qui lui était arrivé tout fait, elle qui n’avait jamais pu rien concevoir, pas plus physiquement que moralement. Quand il était sage, elle lui donnait un morceau de sucre, et la fessée s’il avait sali sa culotte en jouant avec ses camarades

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