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pause, sceau, saule, saut, etc. ; l’autre douce, comme dans aurore, automne, laurier, taureau, j’aurai, augmenter, austère, etc. Le tréma sur l’u détache cette lettre de l’a, et chaque voyelle reprend alors son intonation particulière, comme dans Esaü, Saül, Danaüs, etc.

am, an, aim, ain. L’a suivi de m ou de n prend souvent une intonation différente et forme alors une voyelle qu’on appelle nasale, parce que le son qu’elle produit part un peu du nez, comme dans ambassadeur, champ, danser, etc. Aim et ain forment souvent aussi un son nasal identique de in essaim, faim, pain, bain, saint, etc.

— L’a prend différentes formes, soit dans l’écriture, soit dans l’impression, mais les plus ordinaires sont : l’A majuscule, l’a minuscule et l’a italique. Ces caractères, dont les deux derniers ne diffèrent du premier que par la courbure des lignes et l’arrondissement successif des angles, sont imités de ceux qui étaient en usage dans l’ancien alphabet des Grecs et des Romains. On met un grand A au commencement de tous les noms propres qui ont cette lettre pour initiale Adam, Angleterre, Amérique, etc.

— Une panse d’A, ne se dit que d’un petit a, à cause de sa ressemblance avec une panse (ventre, gros ventre), et parce que l’a commence à se former par une panse, ou par cette partie de la lettre qui est arrondie. De là, on dit proverbialement il n’a pas fait une panse d’a, pour dire il n’a pas formé une seule lettre, et figurément il n’a rien fait. Si je voulais recevoir tous les ans vos quatre mille livres, sans faire une panse d’A, ni œuvre quelconque de mes mains pour votre service, vous seriez l’homme le plus propre à me laisser faire. (Voiture.) On dit aussi, ne savoir panse d’A. Un Belge épais de sens et de structure, ne sachant panse d’A. (L’abbé Dourneau). Ici, ne sachant panse d’a est pour ne sachant faire panse d’A. Depuis deux jours, mon copiste n’a pas fait une panse d’A. (Acad.) Cet homme n’a fait de sa vie une panse d’A. (Id.) Il laisse croire que cet ouvrage est de lui mais il n’en a pas fait une panse d’A, il n’y a pas fait une panse d’A. (Id.)

— Ne savoir ni A ni B, autre façon de parler proverbiale, pour dire ne savoir pas même les premières lettres de l’alphabet, et fig. être d’une ignorance profonde : Puisque tu ne sais ni A ni B, comment enseigneras-tu les autres et. moi ? (Raynouard.) Je veux un mari qui ne sache ni A ni B. (Molière.) Ci-dessous gît M. l’abbé, qui ne savait ni A ni B. (Ménage,) Mais en latin le bon abbé n’y entendait ni A ni B. (Du Belloy.)

— Marqué à l’A, s’est dit aussi proverbialement, pour désigner un homme d’une probité éminente, proprement un homme de la principale, de la meilleure fabrique par allusion aux monnaies, celles qui se fabriquent dans l’hôtel des monnaies de Paris étant marquées de la lettre A.

— Depuis A jusqu’à Z, depuis le commencement jusqu’à la fin.

— N’en être qu’à l’abc. Renvoyer quelqu’un à l’abc V. ABC.

— Très-souvent la lettre A se met pour les mots auxquels elle sert d’initiale ; elle s’emploie aussi comme un simple signe qui indique le premier objet d’une série, ou l’une des parties distinctes d’un objet. Les imprimeurs marquaient autrefois d’un A la première feuille d’un volume.

— En Algèbre, A et les 1res lettres de l’alphabet servent à désigner des quantités connues, et en géométrie il indique l’une des parties d’une figure qui sert à quelque démonstration (l’angle A, l’angle B d’un triangle). Il me paraît absurde de faire dépendre l’existence de Dieu d’A B divisé par Z, (Volt.) Il y a une géométrie matérielle qui se compose de lignes, de points, d’A+B, avec du temps et de la persévérance, l’esprit le plus médiocre peut y faire des prodiges. (Chateaub.)

— Dans un dessin graphique, A désigne une des parties de l’objet dont on donne la description.

— Dans la philosophie scolastique, A indique une proposition générale affirmative.

— A était la première des huit lettres nundinales, et c’est encore la première des lettres dominicales dans le calendrier Julien. Il désigne le dimanche dans le calendrier des livres d’offices de l’ancien rituel.

— A dans les antiphonaires indique les endroits où il faut élever la voix.

— Dans le commerce, A signifie accepté, quand il s’agit d’une lettre de change.

— Sur l’ancre d’un vaisseau, A signifie assure ou assurance.

— En chimie A se met quelquefois pour désigner l’azote, et en minéralogie, pour indiquer l’aluminium.

— En médecine, A, prép. grecque, qui signifie de rechef et en dessus, servait dans les formules à exprimer la répétition qui doit se faire de la chose indiquée, en remontant successivement d’un des ingrédients à l’autre. Aujourd’hui, lorsqu’on prescrit plusieurs remèdes qui doivent être pris à la même dose et mélangés, on les inscrit à la suite l’un de l’autre, on les unit par une accolade devant laquelle on écrit aa qui alors veut dire de chaque… telle dose.

— A, en astron., sert à désigner l’étoile la plus considérable d’une constellation.


— En musique, A, première note du tétracorde hyperboléen, répond à la 6e note de notre gamme, la. En tête d’un morceau de musique, il indique la partie de la haute-contre, alto. J’appelle A la première octave comprise entre l’ut d’en bas et le suivant vers la droite. (J. J. Rouss.)

— Sur les monnaies de France, A désigne la Ville de Paris.

— Sur les maisons, A surmonte d’un trait horizontal A A A est, une marque placée par l’administration municipale, pour indiquer un abonnement au balayage ou un alignement projeté. — On trouvera à leur ordre alphabétique toutes les abréviations dans lesquelles la lettre A est suivie d’autres lettres, comme A. M. (Assurance mutuelle), etc.

— A. v. a. (étym. lat. habet ou ital. ha, il a), 3e pers. du prés. de l’indic. d’avoir, n’est jamais marqué de l’accent grave par lequel on distingue la préposition a (voir ce mot), et se prononce comme a simple, c’est-à-dire qu’il est toujours doux. Ce qui prouve qu’il vient du lat. habet ou de l’ital. ha (il a). C’est qu’anciennement on écrivait il ha. Enfants, oyez une leçon nostre langue ha cette façon, que le terme qui va devant volontiers régit le suivant. (Marot.) C’est sans doute un défaut, dit Voltaire, qu’un verbe ne soit qu’une seule lettre, et qu’on exprime il a raison, il a de l’esprit, comme on exprime il est à Paris, il est à Lyon.

— Le mot a marque l’idée principale de possession : il a des richesses. (La Bruy.) Le lion a l’air noble. (Buff.) L’oiseau-mouche a la fraîcheur des fleurs comme il a leur éclat. (Id.) Chaque homme a son génie. (Volt.)

— Il sert aussi à conjuguer les temps composés de la plupart des verbes : Il y a un Dieu : donc il a créé l’homme (Bossuet.) La nature a mis le sucre tout pur dans la sève d’un roseau. (B. de St.-P.) La nature a pris durant la nuit une vigueur nouvelle. (J. J. Rouss.) Il a écouté avec ravissement le ramage de ce chantre des forêts. (Buff.) La nature a réuni sur le plumage du paon toutes les couleurs du ciel et de la terre. (Id.)

— Souvent aussi il se joint avec son propre participe : Leur zèle n’a eu que peu d’imitateurs. (La Bruy.) Il a eu pour lui le témoignage de sa conscience. (Fléch.)

— Il s’emploie aussi impersonnellement avec y : il y a en Laponie plusieurs espèces de mousses comestibles, farineuses, sucrées, parfumées. (B. de St-P.) Ces murmures forestiers, ces cris, ces chants de joie et de reconnaissance, me disaient d’une manière bien Intelligible il y a ici un Dieu. (Id.) Il y a des gens qui parlent un moment avant que d’avoir pensé. (La Bruyère.)

— Marot a dit : Sur le printemps que la belle Flora les champs couverts de divers fleurs a : Au lieu de : Au printemps, alors que la belle Flore a couvert les champs de diverses fleurs. Cette inversion et ce report de a à la fin du verbe, condamnables partout ailleurs, seraient encore permis dans le style marotique. Pour les différents sens de a, verbe V. avoir.

A. préposition (étym. lat., ad.) Il est toujours surmonté de l’accent grave pour le distinguer de a, 3e pers. du verbe avoir, et se prononce comme ce dernier avec une intonation douce. De même que toutes les autres prépositions, à se place entre deux mots qu’il joint et entre lesquels il établît une relation. Sa principale fonction est de marquer un rapport d’attribution, de tendance, de direction, de transport vers un lieu, un but, un objet, une fin idéale ou réelle. En un mot, il désigne le terme où va aboutir et où doit s’arrêter le mouvement dirigé vers lui. Joint à son complément, il répond exactement au datif des Latins, et très-souvent aussi à leur préposition ad. Dans l’origine, cette préposition était probablement destinée à marquer un rapport entre les objets sensibles : aller à Lyon, à l’église, au marché, retourner à la ville, rentrer au logis, etc. On l’a étendue par degré aux objets immatériels, parce que les idées abstraites, exprimées par des substantifs, ont pour notre imagination presque autant de réalité que les objets physiques, et l’on dit : le chemin est glissant de la vertu au vice, comme on disait : le chemin est pénible d’ici à la montagne. De même, quoiqu’on n’aille pas à l’entendement, à l’intelligence, à la vertu, au vice, comme on va à la guerre, au marché, à l’église, l’analogie a fait employer la même préposition devant tous ces substantifs, bien qu’ils représentent des idées opposées. c’est ainsi que la même préposition est usitée dans des cas bien différents ; et les dernières acceptions ressemblent quelquefois si peu en apparence aux premières, que, si l’on ne saisit pas bien, ou si on laisse échapper le fil de l’analogie, on ne peut plus rendre raison de l’usage. C’est précisément ce qui est arrivé à l’Académie et à M. Napoléon Landais, aussi bien qu’à la plupart de nos grammairiens et de nos lexicographes. Ne s’étant pas donné la peine de rechercher quel pouvait être le caractère essentiel, primitif, fondamental, invariable, de la préposition à, et, ce caractère une fois bien reconnu, bien déterminé, de le suivre et de le retrouver partout et dans toutes les positions, ils ont complètement perdu le fil de l’analogie, et se sont laissés aller jusqu’à voir dans ce petit mot des multitudes presque effrayantes de rapports. Citons-en quelques exemple., afin de prouver toute l’élasticité des principes de l’Académie et de ceux qui l’ont copiée sans réflexion. A, dit l’Académie, marque tendance ou direction, dans aller à Rome, à l’église, au marché. Voilà qui est bien, et vous seriez presque tenté de croire que c’est là, peut-être, la seule, l’unique propriété de cette préposition. Mais patience, vous n’y êtes pas, et l’Académie vous ménage plus d’une surprise. Un ancien secrétaire perpétuel de l’illustre assemblée, Régnier Desmarets, après avoir fait une longue énumération des sens prétendus différents de la préposition à, ajoute : « En voilà quelques-uns des principaux et des plus ordinaires ; car pour les marquer tous, il faudrait faire passer en revue presque tous les mots français, n’y en ayant guère avec lesquels elle ne serve à former quelque phrase, par la propriété qu’elle a de pouvoir être substituée à la place de la plupart des prépositions. » Cet académicien avait une haute idée de la valeur des mots, et l’Académie a suivi pas à pas la doctrine de son ancien secrétaire. Jugez-en plutôt. L’Académie nous a dit tout à l’heure, s’il vous en souvient, que dans aller à Rome, à l’église, au marché, a marquait tendance, direction. Eh bien ! changez les mots, et dites par exemple : canne à sucre, à ne marquera déjà plus ni tendance, ni direction, mais il marquera, au dire de l’Académie, l’espèce, la qualité. Changez les mots et dites : clou à crochet, table à tiroir, lit à colonnes ; et à marquera la forme, la structure ou l’accessoire d’une chose. Changez les mots, terre à blé, moulin à farine, pot à eau, boîte à thé ; et à marquera la destination, l’usage. Changez les mots : armes à feu, fusil à vent, moulin à eau, machine à vapeur, instrument à vent ; et à marquera ce qui sert spécialement, ce qui est nécessaire à l’emploi d’une machine, d’un instrument. Changez les mots : à genoux, à pieds joints, à tâtons, à reculons ; et à marquera la manière d’agir, la manière d’être des personnes et des choses. Changez les mots….. Mais en changeant ainsi les mots, on arriverait infailliblement à épuiser le Dictionnaire, et alors la préposition à exprimerait donc autant de rapports différents qu’il y a de mots dans la langue ? Non, dirons-nous, il est impossible qu’un aussi petit mot marque tant et de si différentes choses. Les prépositions indiquent les rapports, abstraction faite de tout terme antécédent et conséquent : elles ne sont que l’exposant, le signe d’un rapport considéré d’une manière abstraite et générale. Fidèle à l’engagement que nous avons pris de tout expliquer, nous allons tâcher de bien faire connaître la valeur du mot qui nous occupe, et pour cela nous n’aurons pas besoin de passer en revue tous les mots de la langue, ainsi que le fait l’Académie.

— La préposition à, nous l’avons déjà dit, se place entre deux termes qu’elle joint par le sens et entre lesquels elle établit un rapport : aller à Naples, rendre à César ce qui appartient à César. Ici, à établit évidemment un rapport entre aller et Naples ; entre rendre et César, etc. Quel est ce rapport ? On le voit, il n’est autre que celui d’attribution, de tendance. Mais, il ne faut pas l’oublier, la préposition ne sert qu’à indiquer le second terme du rapport, c’est-à-dire qu’elle montre le terme où va aboutir et où doit s’arrêter le mouvement dirigé vers lui. L’espèce ou la nature du rapport est déterminée par le verbe ou l’adjectif qui précède la préposition, comme cela a lieu dans les expressions, aller à, mener à, conduire à, donner à, rendre à, arriver à, tendre à, atteindre à, revenir à, jeter à, retourner à, utile à, favorable à, agréable à, conforme à, convenable à, propre à, nuisible à, etc., etc. Il est naturel que le schisme mène à l’incrédulité, et que l’athéisme suive l’hérésie. (Chateaub.) On dut nécessairement arriver de là au mépris des écrivains du siècle de Louis XIV. (Id.) Le cheval aime l’homme, il aspire à lui plaire. (Rosset.) Dieu ne défend pas les routes fleuries, quand elles servent à revenir à lui ; ce n’est pas toujours par les sentiers rudes et sublimes de la montagne que la brebis égarée retourne au bercail. (Chateaub.) Si l’on jette à la mer une poule morte, le requin s’en approche aussitôt. (B. de S.-P.) D’autres philosophes ont attribué les mœurs des animaux, comme celles des hommes, à leur éducation. (Id.) Les espèces d’huîtres même qui adhèrent aux rochers nagent quand elles viennent de naître. (Id.) Un végétal est semblable au polype animal. (Id.) De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres. (Chateaub.) Toutes ces phrases sont construites régulièrement, et le mot à y remplit sa fonction naturelle. Mais il arrive souvent que l’adjectif ou le verbe qui exprime le rapport d’attribution, de direction, marqué par à, ne se trouve pas exprimé dans la phrase, soit par la tendance qu’ont toutes les langues à la concision et à la brièveté, soit parce que les lacunes de l’ellipse sont faciles à remplir. Et voilà précisément ce que l’Académie n’a pas vu ou n’a pas voulu voir, et ce qui l’a entraînée dans ce que nous appellerions volontiers des hérésies grammaticales.

— Quand on dit : Canne à sucre, Vache à lait, Pays à pâturages, Homme à projets, Femme à vapeurs, Manchettes à demeure, Glace à la vanille, la préposition à ne marque ni espèce, ni qualité, mais elle annonce seulement un rapport dont les mots qui suivent complètent


l’idée. En disant : Canne à……, je puis tout aussi bien ajouter d’autres mots que sucre et dire : canne à dard, canne à épée, canne à ressort, canne à pomme d’or, canne à pomme d’argent, canne à pome d’ivoire, canne à vent, canne à vendre, avoir une canne à la main, etc., etc. A ne marque donc pas plus l’espèce, la qualité, que la structure, l’accessoire, l’action de vendre, de porter, etc., etc. Toutes ces expressions sont elliptiques, c’est-à-dire qu’elles sont des manières de parler abrégées. En se donnant la peine de les ramener à leur construction pleine, on voit que le mot à y remplit comme partout, comme toujours, sa fonction naturelle. En effet, une canne à sucre, est une canne (propre à) produire du sucre. Une vache à lait, est une vache (propre) à (donner du) lait. Un pays à pâturages, est un pays (propre) à (fournir des) pâturages. Un homme à projets, est un homme (sans cesse occupé) à (faire des) projets. Une femme à vapeurs, est une femme (sujette) à (avoir des) vapeurs. Des manchettes à dentelles, ce sont des manchettes (au bout desquelles on a mis de la) dentelle. Enfin, une glace à la vanille, est une glace à (laquelle on ajoute de la) vanille. Voilà donc la plénitude de la construction analytique, et c’est faute d’y avoir eu recours que l’Académie a doné une si étrange interprétation à la préposition à.

— Il en est de même dans les expressions suivantes : Terre à blé. Marche à la volaille. Moulin à farine. Cuillère à pot. Bouteille à encre. Voiture à six places. Fille à marier. Maître à danser. Bois à brûler. Tabac à fumer. Tenir à honneur, à injure. (Acad.) Dans toutes ces expressions, ce n’est pas à qui fusrque la destination, l’usage, comme le prétend l’Académie ; mais bien les mots destine, propre, serrant, etc., sous-entendus, ainsi que le prouvent les analyses suivantes : Terre (propre) à (y semer du) blé. Marche ({{corr|destiné|destinée) à la volaille. Moulin (destiné) à (faire de la) farine. Cuillère (destinée) à (puiser dans le) pot. Bouteille’destinée) à (contenir de l’) encre. Voiture (destinée) à (contenir) six places. Fille (propre) à marier. Maître (pour apprendre) à danser, à chanter. Bois (propre) à brûler. Tabac (propre) à fumer. Verre (propre) à boire. Tenir (comme chose propre) à (faire) honneur. La méthode que nous suivons, de réintégrer les mots sous-entendus, a deux grands défauts : elle est nouvelle, elle contient de plus la critique de la méthode adoptée jusqu’à ce jour, et que la prévention, la paresse, l’indifférence pour le progrès, s’obstinent à conserver, comme elles consacrent tant d’autres abus sous le nom d’usages. Il est certain que les mots que nous avons rétablis sont réellement sous-entendus, puisqu’on les trouve souvent exprimés dans tous les écrivains : C’est l’eau qui fait jouer les machines propres à moudre, à forger, etc. (Baudot de St-Martin). Machine qui sert à élever l’eau (Laveaux). Machine destinée à comprimer l’air (Libes). Ce bois est propre à bâtir (Acad.) Ce moellon est propre à faire des fondements. (Id.) Cette étoffe est propre à teindre. (Guizot).

— A, selon M. Landais, se met à la place des prépositions après, avec, vers, pour, dans sur, par, selon, environ, etc. et a le même sens qu’elles. Il ut faut pas trop en vouloir à ce lexicographe s’il avance une opinion aussi erronée. Il se fait ici l’écho de l’Académie et de la plupart des Dictionnaires. Ainsi, suivant M. Landais et ceux qu’il copie, les prépositions seraient comme des sentinelles qui se remplacent tour à tour, et dont l’une peut bien faire les fonctions de l’autre. Mais comment les lexicographes ne se seraient-ils pas trompés sur ce point, eux qui se sont trompés sur tant d’autres, ainsi qu’on pourra le voir dans cet ouvrage, qui est comme l’inventaire de leurs erreurs, de leurs aberrations ! Ils ont constamment erré, parce qu’ils se sont plus occupé du matériel des mots que des idées qu’ils expriment. C’est surtout l’ignorance de l’ellipse, une des plus simples et des plus fréquentes figures de grammaire, qui les a jeté dans ce chaos. De ce qu’on peut dire manger un morceau après un autre, vite d’en conclure que lorsqu’on dit manger à morceau, la préposition à tient la place de la préposition après. Il faut peu de chose, comme on le voit, pour leur faire prendre le change. Parce que l’usage nous permet de supprimer quelques mots dans cette dernière façon de parler, à n’est plus pour à. Quelle étrange idéologie et que Montaigne parlait censément quand il disait : « A la mode de quoi nous sommes instruits, il n’est pas merveille si les écoliers ni les maîtres n’en deviennent pas plus habiles. » Mais nos lexicographes, au lieu de se marteler le cerveau pour trouver de quelle autre préposition le mot a occupe la place dans la phrase que nous avons citée, ne devraient-ils pas plutôt chercher à en connaître la véritable valeur ? Ils verraient que cette expression, manger morceau à morceau, est une expression elliptique, et que c’est un abrégé de manger (en faisant succéder un) morceau à (un autre) morceau. Il n’y a donc aucune espèce d’analogie, sous le rapport de la construction entre manger un morceau après un autre, et manger morceau à morceau, et il faut vraiment aimer à se repaître de chimères pour rapprocher des choses aussi hétérogènes. Mais les lexicographes ne sont pas gens à y regarder de si près. Malheureusement les vocabularistes ne sont pas les seuls qui pensent que telle préposition peut être ainsi mise à la place de