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DICTIONNAIRE CLASSIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
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A.

A, sm. Première lettre de l’alphabet et première des voyelles. Un grand A, un petit a.

A, sans accent. 3e pers. du sing. du prés. de l’Indicatif du verbe irrég. Avoir, 3e conjug. Est actif ou auxiliaire : il a une maison, il a dormi.

À, avec l’accent grave. Prép. qui indique un rapport de situation, de direction, d’attribution : être à Paris, aller à Rome, donner à quelqu’un. Indique aussi l’état, la manière d’être : être à table, à cheval, à son aise. — Dans les composés, répond à la prép. ad des Latins et indique l'idée de rapprochement : apporter, attirer ; a la prép. à ou ab, et indique une idée d’éloignement, de séparation : apaiser, abandonner, abdiquer, abjurer, absoudre, vient de l'a privatif des Grecs, et marque privation, négation : acéphale, achromatique, anormal ; n’exprime jamais un rapport de qualification, de possession. Ainsi, ne dites pas : c’est la montre à Pierre ; mais dites : c’est la montre de Pierre. Ne dites pas non plus : sept à huit personnes, mais bien : sept ou huit personnes. On n’emploie la prép. à qu’avec un nombre intermédiaire : quinze à vingt personnes.

ABACA, sm. Lin des îles Manilles.

ABADA, sf. Rhinocéros des Indes.

ABAISSE, sf. Basse pâte : l’abaisse de ce pâté est brûlée.

ABAISSEMENT, sm. Action d’abaisser : abaissement d’un mur, abaissement des eaux ; — fig., humiliation : cette famille est réduite à vivre dans l’abaissement.

Syn. Abaissement, bassesse. Par vertu, l'âme se tient dans un état d'abaissement volontaire ; par correction, on la retient dans un état d’abaissement passager. L’homme voit l’abaissement de sa fortune, et l’esclave l’abaissement de sa condition sociale ; mais leur honneur peut rester intact ; l’honneur n’est incompatible qu’avec la bassesse. En littérature, l’abaissement du style lui ôte quelque chose de son élévation, de sa naïveté ; la bassesse du style le salit et le rend trivial.

ABAISSER, va. et pr., rég., 1re conjug. Faire descendre : abaisser un store ; diminuer de hauteur : abaisser une muraille ; parler plus bas : abaisser la voix ; — Géom. : abaisser une perpendiculaire, l'amener d’un point sur une ligne ; — Alg. : abaisser une équation, la réduire ; — Pâtiss. : abaisser de la pâte, l’étendre; — fig., humilier, ravaler : Dieu abaisse les superbes ; — pr., devenir plus bas : le soleil s’abaisse vers l’horizon ; s’avilir, se dégrader : je ne m’abaisserai pas à me justifier ; s’humilier, se soumettre : s’abaisser devant Dieu.

Syn. Abaisser, rabaisser, ravaler, avilir, humilier. Abaisser, c’est diminuer la hauteur physique ou le prix moral d’une chose ; rabaisser, c’est diminuer davantage ; ravaler, c’est jeter bien bas ce qui avait beaucoup d’élévation morale ; avilir, c’est imprimer la honte et la flétrissure ; humilier, c’est


abaisser l’orgueil jusqu’à terre, surtout devant Dieu. On s’abaisse par modestie ; on se rabaisse par simplicité ; on se ravale par faiblesse ; on s’avilit par lâcheté ; on s’humilie par la pénitence.

ABAISSEUR, adj, et sm. Muscle qui sert à abaisser un organe : muscle abaisseur ; l’abaisseur de l’oeil, de la lèvre.

ABAJOUE, sf. Cavité des joues du singe.

ABALIÉNATION, sf. Aliénation.

ABALIÉNER, va., rég., 1re conjug. Aliéner.

ABALOURDIR, va. et pr., rég., 2e conjug. Rendre lourd, stupide.

ABANDON, sm. État d’une personne, d’une chose abandonnée : vivre dans un abandon général ; action, d’abandonner : l’abandon de ses amis l’a consterné ; oubli de soi : pourquoi cet abandon de vous-même ? renoncement ; faire l'abandon de ses biens, de sa fortune, de sa vie ; négligence heureuse : cette femme a dans ses manières un abandon séduisant ; confiance entière : parler avec abandon. — A l’abandon, loc, adv. Sans soin, sans précaution : laisser tout à l’abandon.

ABANDONNÉ, ÉE, adj. Désert : lieu abandonné ; livré à ses mauvais instincts : être abandonné de Dieu ; sans secours : enfant abandonné. — Sm. Perdu de débauches : un abandonné, une abandonnée.

ABANDONNEMENT, sm. Action d’abandonner : faire abandonnement de tous ses biens ; état d’une personne entièrement délaissée : plaignez-le dans l’abandonnement où il est de tous ses parents, de tous ses amis ; mœurs déréglées : vivre dans le dernier abandonnement.

Syn. Abandonnement, cession, abdication, renonciation, démission, désistement. On fait un abandonnement ou une cession de ses biens, une abdication de son pouvoir, une renonciation à ses droits ; on reçoit ou l’on donne démission de ses charges ; on donne désistement de sa plainte.

ABANDONNER, va. et pr., rég., 1re conjug. Quitter entièrement : abandonner sa femme et ses enfants ; laisser échapper : n’abandonnez pas les rênes de ce cheval ; renoncer à : abandonner la poursuite d’une affaire ; manquer : mes forces m’abandonnent ; livrer : abandonner une ville au pillage ; laisser entière disposition ; abandonner tous ses biens à ses créanciers ; accorder, concéder : je vous abandonne ce point ; confier, remettre : il a abandonné son fils au soin d’un sage gouverneur ; — pr., se laisser aller : s’abandonner à ses passions ; perdre courage : vous êtes perdu, si vous vous abandonnez ; se prostituer : les mauvais exemples d’une mère portent quelquefois une fille à s’abandonner ; se confier : s’abandonner à la Providence, à la fortune, au hasard ; se négliger : il s’abandonne trop ; suivre