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employé, et dont on s’est toujours servi pour accuser d’erreur ou d’arbitraire la masculinité précédente.

Vais-je épouser ici quelque apprentie auteur. (Boileau.)
« A Paris, le riche sait tout ; il n’y a d’ignorant que le pauvre. Cette capitale est pleine d’amateurs et surtout d’amatrices qui font leurs ouvrages, comme M. Guillaume faisait ses couleurs. » (J.-J. Rousseau.)
« J’aime mieux m’abstenir de caresser les enfants que de leur donner de la gêne ou du dégoût. Ce motif, qui n’agit que sur les âmes vraiment aimantes, est nul pour tous nos docteurs et doctoresses. » (Idem.)
De lui sourire au retour ne fit faute,

Ce fut la peintre. On se remit en train. (La Fontaine.)

A votre fille aînée
On voit quelques dégoûts pour les nœuds d’hyménée :
C’est une philosophe enfin. (Molière.)

La fièvre ardente, à la marche inégale,
Fille du Styx, huissière d’Atropos,

Porte le trouble en leurs petits cerveaux. (Voltaire.)

Dans ces exemples, souvent cités, le féminin est à sa place ; l’ironie explique tout. Le but des auteurs est d’exprimer un ridicule ; or, la masculinité annonce toujours une idée grande et noble ; elle eût été déplacée ici sous la plume satirique de nos grands écrivains. Le féminin est donc venu là, parce que le masculin n’y pouvait être. Les exemples d’expressions féminines, dans l’ironie, sont très nombreux. En effet, veut-on peindre d’un seul trait un guerrier qui manque de courage, on l’appelle ironiquement une femme ! Cette ironie est de la dernière injustice, il est vrai, mais enfin elle explique les peuples qui s’en servent et les langues qui l’emploient. En France, l’ironie est féminine, parce que le masculin est toujours noble dans son emploi. Du reste, l’ancienne grammaire avait admis cette vérité, en lui donnant cette forme si connue : Le masculin est plus noble que le féminin.

EXERCICE PHRASÉOLOGIQUE.
Agresseur.
Agriculteur.
Amateur [1].
Artisan.
Assassin.
Auteur [2].
Botaniste [3].
Capitaine.
Censeur.
Charlatan.
Compositeur.
Confesseur.
Défenseur.
Détracteur.
Disciple.
Distillateur.
Docteur.
Ecrivain.
Editeur.
Escroc.
Facteur.
Fat.
Fauteur.
Fossoyeur.
Géomètre.
Graveur.
Imposteur.
Imprimeur.
Ingénieur.
Laboureur.
Libraire.
Littérateur.
Médecin.
Orateur.
Partisan.
Peintre.
Philosophe.
Prédécesseur.
Prédicateur.
Prévaricateur.
Professeur.
Prosateur.
Proviseur.
Questeur.
Rédacteur.
Régisseur.
Rhéteur.
Secrétaire.
Souscripteur
Successeur.
Vainqueur.
Etc., etc., etc.
  1. On commence à dire amatrice ; à Paris le riche sait tout, il n’y a d’ignorant que le pauvre. Cette capitale est pleine d’amateurs et surtout d’amatrices, qui font leurs ouvrages comme M. Guillaume faisait ses couleurs. Ce mot est approuvé par les règles de la néologie. Linguet, Domergue et plusieurs écrivains l’ont employé. Il se trouve aussi dans le Dictionnaire de l’Académie.
  2. Cette phrase, extraite d’un journal littéraire, est incorrecte : Madame la duchesse de Duras, spirituelle auteur d’Ourika, vient de mourir. Il fallait spirituel auteur. Ce qui a fait illusion à celui qui écrit cette phrase et l’a porté, selon nous, à mettre spirituelle au féminin, c’est que le mot qui suit cet adjectif commence par une voyelle ; cela ne serait pas arrivé, si au lieu d’auteur, il y eût eu un mot commençant par une consonne. En effet, on ne dirait pas : Madame Dacier, fidèle, mais froide traducteur d’Homère, etc.
  3. Bernardin de Saint-Pierre a employé ce mot au féminin : Ma chère Virginie, je ne veux point faire de toi une botaniste.