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sont des substantifs communs, parce qu’ils expriment une idée commune aux objets d’une même classe.

On peut dire, en montrant un figuier, ceci est un arbre ; si l’on montre un olivier, on peut encore dire, ceci est un arbre ; on le peut encore, si l’on montre un grenadier, un chêne, un oranger, un cerisier, etc : le mot arbre est donc un substantif commun à tous les autres végétaux. Le mot arbre est donc un substantif commun nommant une espèce ou plutôt une classe de végétaux, et qui convient à tous les individus de cette espèce ou classe. Parmi les arbres, il y a des figuiers, il y a des oliviers, des grenadiers, des chênes, des cerisiers, des orangers, etc. ; mais tous les arbres qui donnent des figues s’appellent figuiers ; le nom figuier est donc commun à tous les arbres de l’espèce qui produit des figues ; tous les arbres qui produisent des olives sont des oliviers ; le nom olivier est donc commun à toute l’espèce d’arbres produisant des olives ; le nom grenadier est commun à toute l’espèce d’arbres produisant des grenades ; le nom chêne est commun à toute l’espèce d’arbres produisant des glands ; le nom cerisier est commun à toute l’espèce d’arbres produisant des cerises ; le nom oranger est commun à toute l’espèce d’arbres donnant des oranges ; donc les noms figuier, olivier, grenadier, chêne, oranger, cerisier, sont des substantifs communs.

Gange, Nil, Borée, Jourdain, Inde, Hermus, Arabie, Ausonie, etc., sont, au contraire, des substantifs propres, parce qu’ils servent à distinguer un fleuve d’avec tous les autres fleuves, une contrée d’avec toutes les autres contrées, un homme d’avec tous les autres hommes.

Cette propriété du substantif, par laquelle, il embrasse une classe d’individus ou n’exprime qu’un individu d’une classe, s’appelle étendue.

Les substantifs communs ont plus ou moins d’étendue, selon qu’ils s’étendent à un nombre plus ou moins considérable d’individus ; ainsi le substantif animal a plus d’étendue que le substantif homme, qui ne convient qu’à une portion des êtres animés.

Les substantifs propres ont une étendue aussi restreinte que possible, puisqu’ils ne désignent que des individus uniques, particuliers, comme Martin, Paris. Lors même qu’ils se trouvent convenir à plusieurs individus, c’est uniquement par hasard : ainsi de ce que, suivant le proverbe, il y a plus d’un âne à la foire qui s’appelle Martin, il ne s’ensuit pas que le nom Martin ait été destiné à marquer une classe, une collection d’individus qui aient quelque chose de ressemblant, quelque caractère commun, en sorte qu’un Martin puisse servir à faire reconnaître les autres Martin.

Il en est de même de Londres et de Paris ; Londres et Paris sont des noms de villes. Il y a deux villes nommées Londres : Londres en Angleterre et Londres en Amérique. Il y a six villes appelées Paris : Paris, capitale de la France, et cinq Paris dans les États-Unis de l’Amérique du nord ; il pourrait y en avoir bien davantage. Mais toutes les villes ne s’appellent point Londres ou Paris, ces noms ne sont pas communs à toutes les villes ; ce sont donc des noms propres à un ou plusieurs individus de l’espèce d’objets appelés villes ; mais ils ne conviennent pas à tous les objets de cette espèce.

De tout ce que nous avons dit jusqu’ici nous conclurons :

1o Que le substantif propre est un nom qui ne s’applique qu’à un seul individu, à un seul objet, pour le distinguer de tous les autres individus, de tous les autres objets ;

2o Que le substantif commun est un nom qui, au contraire, peut s’appliquer indifféremment à tous les individus, à tous les objets d’une même espèce, d’une même nature.

Remarquez ceci : les substantifs propres doivent toujours commencer par une grande lettre ou majuscule : Paris, Londres, Rouen.