Page:Bescherelle - Grammaire nationale.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 21 )

4o De quelle manière ces différents mots doivent être prononcés, lorsqu’ils sont émis par l’organe vocal ;

5o Les signes de ponctuation dont on a dû distinguer, dans l’écriture, chacune des parties qui composent ce tableau :

C’est connaître la grammaire, c’est-à-dire la science qui embrasse toutes les règles que l’homme est obligé de suivre pour peindre, pour exprimer ses idées, soit de vive voix, soit par écrit[1] :

La Grammaire est donc la science du langage, c’est-à-dire la science des signes de la pensée considérés dans leurs éléments, leurs modifications, et leurs combinaisons[2].

Cette science a pour objet de déterminer les différentes espèces de mots qui correspondent aux différentes espèces d’idées ; d’indiquer les variations que les mots subissent dans leurs formes pour exprimer les diverses modifications et les nuances les plus délicates de la pensée ; enfin, de faire connaître les rapports des mots entre eux, et les règles d’après lesquelles ils se combinent et se réunissent en phrases pour rendre les combinaisons des idées.

Tous les hommes doivent étudier cette science, puisque tous ils sont appelés par les plus pressants besoins à peindre leurs idées. Elle seule peut leur dévoiler les mystères de cette peinture merveilleuse, source des plus grands avantages et des plus doux plaisirs ; elle seule peut leur ouvrir le sanctuaire des sciences. Et, aujourd’hui surtout que le don de la parole doit assigner un rang si distingué à celui qui aura su le cultiver avec le plus de succès, l’étude approfondie du langage prend une importance encore plus grande. Cette étude est, il est vrai, le plus rude exercice de l’esprit. Mais aussi combien ne sert-il pas à le fortifier ! Il n’est pas d’initiation plus puissante ni plus féconde à tous les travaux qu’on peut entreprendre dans la suite. C’est là la base, le fondement de toutes les connaissances humaines. D’ailleurs, n’est-il pas du devoir de tout être pensant de chercher à se rendre compte de la valeur précise de sa parole, de la connaître dans toute son intégrité, de savoir ce qui la fait vivre ? Autrement, il est pour lui-même une énigme indéchiffrable, puisqu’il ignore la nature des procédés dont il fait usage à cet égard :

Lex sum sermonis, linguarum regula certa ;
qui me non didiscit, cætera nulla petat.
(Bacon.)
« Je suis la loi du discours, la règle infaillible des langues ; qui m’ignore doit renoncer à rien savoir. »

La Grammaire admet deux sortes de principes : les uns sont d’une vérité immuable et d’un usage universel ; ils tiennent à la nature de la pensée même ; ils en suivent l’analyse, ils n’en sont que le résultat. Les autres n’ont qu’une vérité hypothétique et dépendante de conventions libres et variables ; et ne sont d’usage que chez les peuples qui les ont adoptés librement, sans perdre le droit de les changer ou de les abandonner, quand il plaira à l’usage de les modifier ou de les proscrire. Les premiers constituent la grammaire générale ; les autres sont l’objet des diverses grammaires particulières.

Ainsi, la grammaire générale est la science raisonnée des principes immuables et généraux de la parole prononcée ou écrite dans toutes les langues ;

Et la grammaire particulière, l’art de faire concorder les principes immuables et généraux de la parole prononcée ou écrite, avec les institutions arbitraires et usuelles d’une langue particulière.

  1. Pris dans un sens littéral, le mot grammaire, dérivé du grec gramma, qui signifie peinture, trait, ligne, est l’art de graver, de tracer les lettres pour exprimer ses pensées par écrit. Mais depuis qu’on a fait l’application des règles de la langue écrite à la langue parlée, la grammaire est devenue la science du langage en général.
  2. Grammaire se dit aussi d’un livre où sont exposées les règles d’une langue, du langage : la Grammaire de Port-Royal.
    (Académie.)