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ce qu’on appelle la grammaire générale. Jetons un coup-d’œil rapide sur l’origine des éléments du langage.

INTERJECTIONS.

Les premiers mots des langues, dans l’enfance des sociétés, ne durent être que des sons, ou plutôt des cris inarticulés, accompagnés de mouvements et de gestes propres à exprimer d’une manière plus frappante et plus étendue les impressions que l’on sentait et que l’on voulait communiquer aux autres. Ce sont là, en effet, les seuls signes dont la nature apprend l’usage à tous les hommes, et que tous peuvent comprendre. Celui qui voyait un homme s’approcher du repaire de quelque bête féroce, d’un lieu où lui-même avait couru risque de la vie, ne pouvait l’avertir du danger qu’en poussant les cris et en faisant les gestes qui sont les signes de la crainte. Aussi ces exclamations, auxquelles les grammairiens ont donné le nom d’interjections, prononcées d’une manière violente et passionnée, furent, en quelque sorte, les premiers éléments ou matériaux du langage.

SUBSTANTIFS.

Les premiers pas que les hommes durent faire, après avoir institué, en quelque sorte, les cris inarticulés que nous avons nommés interjections, pour signes de leurs passions les plus violentes, de leurs besoins les plus pressants ; les premiers mots qu’ils durent inventer, furent les noms des objets qui leur étaient le plus familiers, qui pouvaient le plus les servir ou leur nuire. Ainsi l’arbre dont le fruit les nourrissait, dont le feuillage leur offrait un abri, le ruisseau dont l’eau les désaltérait, l’animal dont ils craignaient la férocité, ou celui qui lui-même leur servait de proie, l’arme grossière avec laquelle ils attaquaient l’un et repoussaient l’autre, tous ces objets et beaucoup d’autres encore durent avoir leurs noms. Après les exclamations ou interjections, qui, comme nous l’avons dit, ont dû former le premier langage du genre humain, la partie la plus ancienne du discours est donc cette classe de mots qui expriment les choses existantes. Lorsque les hommes ne se bornèrent plus à désigner les objets par un cri énergique et rapide, et qu’ils leur donnèrent un nom articulé, les substantifs furent créés.

PRONOMS.

Quand l’homme eut appris à se distinguer des objets environnants, et qu’il voulut exprimer par un mot son existence individuelle, le mot moi s’échappa de sa bouche ; il désigna par le mot toi l’existence d’un autre homme à qui il parlait ; il dit il pour désigner son semblable sans lui adresser la parole ; et par la suite le mot il s’appliqua aux animaux ou aux choses inanimées, et remplaça leur nom dans le discours. Cette classe de mots, que les grammairiens ont appelés pronoms, rentre évidemment dans celle des substantifs ; car comme eux, ils représentent des objets existants ; comme eux, ils font ou reçoivent certaines actions.

ADJECTIFS.

Les qualités propres aux objets qui environnaient l’homme se firent nécessairement remarquer aussitôt qu’il connut ces objets mêmes ; un fruit doux et agréable ne pouvait pas être confondu avec un fruit amer ou qui contenait des sucs vénéneux ; le chien, si naturellement ami de l’homme, si disposé à le servir, à se sacrifier même pour lui, dut se faire distinguer du loup ou du tigre qui semble détruire et déchirer les autres animaux sans besoin, sans nécessité, par le seul instinct de sa férocité naturelle. Nos sens eux-mêmes nous forcent à décomposer les objets que nous offre la nature : les couleurs, les formes, les qualités tactiles, etc., n’affectent point en nous les mêmes organes ; nous sommes obligés de nous en faire autant d’idées qu’il y a d’organes diffé-