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– Il conviendrait d’y penser, » dit Cécilius avec un fin sourire.

Or, le bonhomme y pensait depuis longtemps : Birzil, héritière de deux familles également opulentes, lui semblait une bru très souhaitable. Et, de son côté, Cécilius, malgré son intention bien arrêtée de garder le plus longtemps possible auprès de lui sa fille adoptive, avait songé pour elle au jeune orateur, qui passait pour un homme de talent et qui, d’ailleurs, penchait secrètement en faveur des chrétiens. Tous deux savaient certainement que la même idée leur était venue. Mais chacun attendait que l’autre fît le premier pas, risquât une allusion à ce beau projet. Le vieux Martialis était trop habile pour manifester avec un empressement indiscret ce qui pouvait paraître chez lui une ambition excessive, Birzil étant beaucoup plus riche que son fils. Il dit d’un air détaché :

« Tu m’excuseras encore une fois : je n’ai à t’offrir que du vin de Calama… Mais il est sucré comme la figue et parfumé comme la violette.

– Mille grâces ! dit Cécilius, tu sais que je ne bois que de l’eau.

– Eh bien, tu en auras d’excellente ! »

Et le maître ordonna à l’une des filles du fermier, qui vaquaient au service, de remplir la coupe de Cécilius avec une énorme gourde d’argile en forme de poire munie de sa queue.

« C’est de l’eau des Nymphes, dit Martialis. Chaque matin, avant l’aube, un esclave va m’en chercher, à cinq milles d’ici, près du sanctuaire du dieu Giddabal… Oui, il y a là une fontaine consacrée aux divinités de la montagne… Cher ami, bois de l’eau des Nymphes, tandis que je boirai du vin… Moi, j’aime le vin, et même, je te l’avoue, homme triste et insociable, une petite pointe d’ivresse n’est pas pour me déplaire. Entre gens diserts et bien élevés, cela donne plus d’éclat à la conversation. Comme le répétait mon aïeul, la vapeur d’un vin géné-