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et les fontaines. Natalis haussa les épaules, en homme qui n’attachait à tout cela aucune importance :

« Que veux-tu, très cher Cyprien, c’est mon intendant qui s’occupe de ces choses. Il est païen. Imagines-tu qu’on vienne lui dire : Tu sais, il y a, là-bas, des chrétiens à délivrer ! »

– Alors ton intendant est païen ! Ta domesticité aussi, sans doute ?

– Je ne contrains personne, dit Natalis. Cependant la plupart de mes serviteurs sont chrétiens, et presque tous ont refusé d’être affranchis.

– Ainsi, tu vis dans une maison à demi païenne, environné de souvenirs et de symboles païens !

– Encore une fois, cher ami, tu oublies que je suis le fils d’un père dont la succession est lourde à porter. Et tu ne sais pas peut-être qu’on m’appelle ici « l’héritier des rois numides » ?… Oui, on prétend que nous descendons par les femmes du bonhomme Syphax, le vieil époux de la belle Sophonisbe. Ces généalogies valent ce qu’elles valent. Toujours est-il que nous possédons, à Cirta, des maisons, et, dans la campagne, quelques villas qui passent pour avoir appartenu aux anciens maîtres du pays. Alors tu le comprends, cette noblesse, vraie ou fausse, m’oblige à de grands devoirs. J’ai une clientèle immense à nourrir, la clientèle de mon père. Je ne pouvais pas, du jour au lendemain, l’abandonner, lui retirer le pain quotidien.

– Que n’as-tu fait comme moi ? dit Cyprien : il fallait vendre ton bien et en donner le produit à l’Église. Cela aurait tout simplifié.

– Pour toi peut-être ; pour moi, c’est bien plus compliqué que tu ne penses. »

Cécilius soupira profondément, comme s’il chassait des pensées pénibles, puis il reprit avec vivacité :

« Mais toi, qui parles ainsi, tu as toujours ta villa des Jardins, si j’en crois la renommée.

– Les fidèles ont voulu me la racheter, dit l’évêque