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appelait la Villa Titiana. On devait y passer la nuit dans une ferme écartée, à quelque distance de la route, chez un chrétien averti, le mois d’avant, par Jader qui lui avait donné toutes ses instructions pour le passage de l’évêque. Depuis le fermier avait dû réfléchir et trouver un tel hôte un peu trop compromettant. Ou bien peut-être était-il sincère, lorsqu’il se présenta tout tremblant devant Cyprien et s’excusa sur la pauvreté de son logis, indigne de recevoir un si grand personnage.

Mais il s’était arrangé avec un certain Goudoul, qui tenait un caravansérail à l’autre bout de la ville et qui était plus en mesure que lui d’héberger avec toute la décence convenable l’illustrissime voyageur et sa suite. L’hôtelier avait préparé une chambre pour l’évêque, il l’attendait depuis plusieurs jours. Et l’individu affirmait que ce Goudoul était un homme sûr, donnant même à entendre que, s’il n’était pas chrétien, il voulait du bien aux frères. Finalement, après des discussions irritantes, Cyprien, à contre-cœur, dut se laisser persuader.

Le convoi poussa donc jusqu’à Thubursicum, en prenant un chemin détourné, toujours pour éviter de traverser la ville en trop nombreux équipage.

Il faisait presque nuit. On devait être très haut, à en juger par le froid qui vous tombait sur les épaules. L’air était même si vif que Cyprien demanda sa lacerne de laine. Et, tout à coup, au sortir du chemin, bordé par une double muraille en pisé, on déboucha sur un plateau désert où l’on ne distinguait, de loin en loin, que des sépultures. Au revers de ce plateau, la ville descendait en amphithéâtre. On n’en apercevait qu’une porte monumentale, dont l’arche très haute s’ouvrait sur un ciel encore tout enflammé par le couchant.

Immédiatement après la porte, les maisons commençaient. Nulle transition entre la brousse et cette agglomération humaine. Cent pas en arrière, c’était la solitude et le silence : ici, l’agitation et le grouillement d’une rue populeuse, bruyante, encombrée d’attelages et de bêtes