comme pour se préserver de la poussière de la route, mit sa houssine dans la main qui tenait les rênes, et, de la droite, il envoya le baiser de salutation, en passant au grand trot. Le personnage, négligemment, ébaucha le même geste de courtoisie, et ce fut tout.
Néanmoins, cette rencontre désagréable eut pour effet de rappeler à l’évêque de Carthage qu’il n’était pas encore à Cirta. Il lui tardait d’arriver à Thubursicum et d’y trouver, comme il était convenu entre eux, une lettre de son ami Cécilius Natalis. En effet, c’était chez celui-ci, dans une de ses propriétés, que devaient se réunir les évêques. Des difficultés et même des périls graves pouvaient surgir au dernier moment… Et Cyprien recommençait à calculer les chances mauvaises, tout en escaladant les rampes pierreuses de la route qui se rétrécissait en suivant les détours d’une vallée très resserrée.
Le pays devenait de plus en plus austère et âpre. La route montait toujours. Elle allait monter ainsi pendant des lieues, jusqu’à l’étape encore lointaine. De temps en temps, on longeait des ravins aux pentes perpendiculaires qui s’abîmaient d’un mouvement brusque ; et, quand on se penchait sur le bord, on voyait, tout au fond, miroiter au soleil, dans des cuvettes de rochers, les replis d’un cours d’eau, toujours le même, qui disparaissait et reparaissait sans cesse, comme les tronçons d’un interminable serpent. Par les lacets sans fin, entre des couloirs d’une extraordinaire sauvagerie, on atteignait de mornes espaces, et les heures s’écoulaient dans une monotonie désespérante… Le seul incident de cette fastidieuse montée fut l’apparition d’un jeune pâtre qui gardait un troupeau de chèvres efflanquées et qui jouait des airs du Sud sur une flûte de roseau peinte au minium : toute rouge, elle semblait saigner sous ses lèvres. On fit halte un instant pour l’écouter, après quoi l’ennui de la montée parut plus opprimant.
Enfin, à la tombée du crépuscule, on atteignit un faubourg de Thubursicum, simple groupe de maisons, qu’on