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dont le capuchon rabattu cachait tout le haut de son visage. Sa main droite s’appuyait à un bâton recourbé comme en ont les pâtres, et sur son flanc gauche une panetière gonflait un peu l’étoffe de son manteau. Il avait dû se déguiser en berger pour dépister la surveillance des soldats de police. Mais cet homme inconnu des mineurs avait l’air de connaître très bien la mine. Il les entraîna rapidement vers le fond de la crypte où il y avait une niche assez grande creusée dans la paroi. Les travailleurs y déposaient leurs outils quand ils rentraient du travail. Aidé par Flavien de Tigisi qui s’offrit comme diacre, le prêtre enleva les marteaux et les barres de rechange qui encombraient la tablette inférieure de la niche. Puis, il sortit de sa panetière un linge dont la blancheur parut éblouissante aux yeux des misérables accoutumés à la vue de leurs haillons sordides. Il l’étendit comme une nappe sur le rebord de la tablette, et, de ses mains pâles qui semblaient éclairer les noirceurs sinistres de la roche, il arrangea sur le linge immaculé deux pains sillonnés d’une croix, une fiole de verre en forme de lécythe qui contenait le vin, et enfin un calice d’or à deux anses. Flavien suspendit de chaque côté de la niche deux lampes de mineurs en guise de cierges. En face une torche était fichée dans un anneau de fer contre un pilier. Les exhalaisons résineuses remplaçaient l’encens. La fumée épaisse des luminaires, montant dans l’air étouffant, se perdait dans les ténèbres de la voûte qui, par places, luisait d’un dur éclat métallique.

Les captifs, agenouillés en cercle autour de la niche, suivaient avec des yeux avides ces préparatifs sacrés. Ils ne pensaient qu’à une chose dans la joie de leur cœur, c’est que la grâce du Banquet dominical, — le banquet suprême peut-être, — leur était enfin accordée. Ils se disaient que pour leurs corps épuisés, ce serait, comme pour leurs âmes, le grand remède. Des miracles pareils s’étaient vus. Des mourants avaient été ranimés tout à coup par la divine Eucharistie…