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ver est venu pendant que vous étiez enfermés sous la terre. Mais l’Hiver de la persécution a bien valu pour vous les mois de froidure qui sévissaient là-haut. Après l’Hiver, va s’avancer le Printemps, tout parfumé de ses roses, tout éblouissant sous la couronne de ses fleurs. Mais les délices du paradis, déjà présent pour vos yeux, vous ont environnés de roses et de fleurs, et les guirlandes célestes ont ceint votre tête. Voici bientôt l’Été, voici venir les moissons fécondes, voici le blé qui regorge sur l’aire. Mais vous qui avez semé pour la gloire, vous récolterez des gerbes glorieuses. Vous aurez aussi votre Automne, et, par la grâce spirituelle, vous en accomplirez tous les travaux. Là-haut on apporte les paniers de la vendange, on foule les raisins dans les cuves, mais vous, pampres gonflés de sève dans la vigne de Dieu, belles grappes aux grains déjà mûrs, vous êtes foulés par la haine et la persécution du siècle. La mine est votre pressoir. Au lieu de vin, c’est votre sang que vous répandez. Intrépides et forts dans les tortures, vous buvez d’un cœur joyeux la coupe de votre martyre… »

Tout fiers d’avoir inspiré une pareille lettre, les misérables l’écoutaient en pleurant de joie, trouvant sans doute qu’aucuns mots ne seraient jamais assez beaux pour exprimer la splendeur de leur sacrifice. Et Cécilius ayant replié la lettre se disait : « Voilà, nous sommes tellement corrompus qu’il nous faut toute une rhétorique de décadence pour nous voiler l’horreur de la mort ! Cependant personne n’aura poussé plus loin que nous la sincérité. Nous scellons notre foi dans notre sang. Celui qui a écrit ces phrases, trop étudiées peut-être, et ceux-ci qui les ont entendues avec ravissement, tous sont prêts à donner leur vie pour attester ce qui semble une folie aux yeux du monde, à savoir que le Christ est ressuscité d’entre les morts. »

L’exaltation que cette lettre répandit parmi ses compagnons le gagna lui-même. Momentanément, il en oublia sa grande douleur. Il ne pensait plus à sa fille. Une foi