vée : l’immobilité sous le soleil, le brouillard, la pluie, le verglas. Le froid surtout, le froid qui alternait avec une chaleur torride, lui était particulièrement insupportable. En cette fin de novembre, la température devenait très rigoureuse, à de certaines heures, dans cette région des hauts plateaux. Grelottant, ou la peau brûlée par la réverbération solaire, il lui fallait indéfiniment abaisser et relever ses bras douloureux et raidis par l’ankylose, saisir au vol des paquets de briques, des pierres, quelquefois des blocs de chaux. Les jointures de ses membres craquaient, et, pour comble d’angoisse, il se sentait mal assuré sur ses jambes. Il avait peur de choir dans le vide, d’une chute presque verticale. Des vertiges continuels le prenaient…
Puis, au bout d’une semaine, ses muscles surmenés se mirent à travailler automatiquement. Son cerveau, réveillé d’une longue torpeur, fonctionnait à part. Délivré du souci de mesurer exactement et d’équilibrer ses gestes, il commençait à ouvrir ses yeux aux choses du dehors.
Devant lui, la plaine fauve de Sigus, vaste étendue pierreuse, tachetée d’une sorte de moisissure végétale, se déroulait jusqu’au bord du lac, comblé d’eau et débordant en cette saison de l’année. La surface immobile et brillante resplendissait au loin sous le soleil comme un grand foyer d’incendie. A droite, c’étaient les maisons blanches du bourg, et, au milieu du forum, la statue du dieu Baliddir, avec son trident doré. De loin en loin, en files profondes qui se perdaient dans les vapeurs de l’horizon, pareilles à des pylônes égyptiens, les cheminées d’aérage signalaient le réseau souterrain des couches métallifères et le tracé des galeries. Les grues dressaient leurs bras sinistres de potences au-dessus des hangars, des magasins et des écuries… De l’autre côté, se creusaient et riaient des lointains féeriques. Les masses violettes des montagnes se découpaient sur le bleu clair du ciel : cités de rêves, avec leurs créneaux, leurs tours, leurs