des trains entiers de chevaux et de mulets qui tiraient des câbles attachés à l’intérieur, autour des plus gros piliers centraux, afin de hâter la chute du toit. Ailleurs, par escouades de dix ou de vingt, des hommes étaient attelés à des cordes. En cette claire matinée de novembre, les heurts des pioches, les piétinements des bêtes, les cris des surveillants montaient tout droit dans l’air subtil et se répercutaient au loin sur la terre durcie et gelée de la plaine. Tout le personnel de la mine se trouvait là. Hildemond, le contremaître germain, les jambes nues sous ses courtes braies, tout fier de son sayon rouge en peau de brebis, ses longues tresses blondes flottant sur ses épaules, courait d’un groupe à l’autre, hargneux et féroce comme un chien de berger. Il stimulait particulièrement du fouet et de la parole une bande de captifs gruthonges aux cheveux jaunes comme les siens. Entouré de quelques ingénieurs, Théodore, le procurateur de la mine, assistait aux derniers préparatifs et, pour se donner de l’importance, il clamait à pleins poumons des ordres tardifs autant qu’inutiles. Il ne cessait de vociférer :
« Qu’on fasse sortir tous les ouvriers ?… Tout le monde est bien sorti, n’est-ce pas, Hildemond ?
– Holà hô ! Holà hô !… » hurlaient en cadence les hommes qui tiraient sur les cordes et aussi sur de grosses chaînes de fer enroulées à des treuils.
Des claquements de fouet crépitaient sans interruption. Les chevaux arquaient leurs jambes violemment. De son observatoire à la pointe du rocher, le Galate voyait le renflement de la colline s’affaisser peu à peu. Il lança deux coups de trompe à deux minutes d’intervalle d’une façon brève et haletante. Le troisième devait annoncer l’écroulement décisif. Une certaine angoisse étreignait la foule, car, en dépit de toutes les précautions prises, cette colossale opération entraînait toujours des morts. Soudain, Hildemond, bondissant vers les barrages, se mit à crier :
« Où est Cariovisque ?… »