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II

LES MINEURS DU CHRIST

De tous les points de l’immense plaine de Sigus et même des bords du lac, on apercevait, à l’extrémité d’une éminence rocheuse, la silhouette d’un homme nettement découpée sur le bleu pâle du ciel, ou sur le fond des montagnes, tantôt fauves, tantôt d’un violet profond, suivant la distance ou l’orientation. Cette montagne, aiguë et très élevée, formait un cône aux flancs légèrement creusés, mais d’une ligne si parfaite et si régulière, terminée par une flèche si élancée et si étroite qu’elle avait l’air d’un pinacle naturel et que l’homme grimpé tout en haut semblait une statue sur son piédestal.

Du forum de la petite ville, on distinguait parfaitement tous les détails du costume et de l’accoutrement de ce personnage aérien : la couleur rouge de son bonnet phrygien, les plis nombreux de son large pantalon bouffant à la mode asiatique, la massette de mineur passée dans sa ceinture, et jusqu’aux pointes tombantes de ses longues moustaches, quand il se tournait de profil. D’une main, il s’appuyait sur un bâton ferré et, de l’autre, il élevait une trompe, prêt à l’emboucher. C’était un contremaître, un Galate qui avait travaillé dans toutes les mines d’Asie et d’Europe et qui était renommé pour son expérience et sa connaissance du métier. Ainsi planté au sommet de la montagne, il évoquait l’image d’un chef d’armée qui, sur une hauteur, épie les évolutions des troupes ennemies.