« Tu vois : toute résistance est inutile !
– C’est bien ! Fais ta besogne ! Je saurai défendre les miens ! »
Se souvenant de son ancien métier d’avocat, il s’était décidé immédiatement à suivre les inculpés et à les protéger par tous les moyens légaux. Il pensait : « Nous ne devons pas nous laisser égorger sans résistance, ni leur laisser croire qu’ils viendront à bout de nous si facilement. Il importe au contraire de lutter jusqu’à la dernière extrémité, ne fût-ce que pour affirmer notre droit, pour prouver qu’en nos personnes on immole la justice !… » Et, tandis que le primipilaire emmenait Jacques et Marien, que les soldats, à coups d’épieu et à coups de fouet, poussaient devant eux la cohue des réfugiés, il remonta au plus vite pour changer d’habit et donner des ordres à ses serviteurs.
Il se revêtit de la tunique sénatoriale à larges bandes de pourpre, puis il demanda sa toge, une lourde toge à la romaine, de forme archaïque, toute blanche, sans broderies ni ornements d’aucune sorte, costume incommode et trop chaud qu’il ne portait jamais. Ensuite, on lui attacha aux pieds des brodequins de cuir blanc à lunule d’or. Quand il fut habillé complètement, drapé dans sa toge, il avait l’air d’un Père conscrit des vieux âges, d’un Caton sorti de la chambre des ancêtres pour rappeler leur devoir aux petits-fils dégénérés. Il prit des tablettes, afin de noter les principaux points de sa défense, et, ses dernières recommandations confiées à Trophime, il se fit transporter en litière jusqu’à la curie.
Sur la route de Cirta, il croisa des gens de mauvaise mine, qui couraient derrière les prisonniers et les fugitifs, en brandissant des bâtons. Des figures hostiles le défièrent au passage : il se sentit environné de haine. Certes, il n’avait jamais été populaire, malgré ses bienfaits. Mais on le respectait à cause de son éloquence, de sa science, de sa générosité, de son immense richesse surtout. Maintenant que cette richesse était menacée, la foule, abjecte