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comme un rayon sous la porte d’un lieu de splendeur, où il était sûr maintenant que l’on pouvait entrer. Avec le repos de son esprit et de son cœur, une confiance inébranlable lui était venue. Son âme débordait d’une force à toute épreuve. Désormais, il y avait Quelqu’un auprès de lui. L’horrible solitude était rompue. A travers le sang, les déchirements et les douleurs, Cyprien, l’ami qu’il croyait perdu, l’avait mené au seul Ami. Celui qui « demeure éternellement… »

Il songeait ainsi, dans le silence et la torpeur chaude de la méridienne, lorsqu’un nouveau tumulte se produisit devant l’entrée principale de la villa. En toute hâte, un esclave se précipita à la bibliothèque, disant qu’un centurion était là avec une troupe de soldats.

Cécilius descendit dans le jardin, où il vit s’avancer vers lui un centurion primipilaire de stature imposante, avec une grande barbe qui lui descendait jusqu’au milieu de la poitrine, et, sur sa jaquette de laine brune, plusieurs rangées de décorations qui s’entre-choquaient comme les phalères d’un harnais. Il le reconnut aussitôt : c’était le même qui, à Lambèse, l’avait conduit à l’hôpital auprès de Victor malade de la fièvre. Ainsi, pour frapper davantage les populations, l’autorité ne s’était pas contentée d’envoyer un simple strator. Un officier, environné de tout un déploiement de force militaire, était chargé d’arrêter les chrétiens de Muguas. A l’approche du soudard, Cécilius eut un mouvement de révolte :

« Que viens-tu faire ici ? lui dit-il durement.

– M’assurer de Marien et de Jacques, prêtres des chrétiens et suborneurs du peuple.

– Ils sont mes hôtes : tu n’as pas le droit de violer ma maison !

– J’ai l’ordre du légat ! » répliqua le centurion en exhibant une tessère.

Et, la main tendue vers le manipule de légionnaires armés de piques :