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suite, ils aperçurent, venant à eux, un groupe de trois cavaliers, qui cheminaient au petit trot. Immédiatement, Delphin reconnut son maître Cyprien, accompagné de Pontius, le diacre, et de Célérinus, le secrétaire. Victor considérait avidement le groupe, et, quand ils n’en furent plus qu’à une portée de javelot, il dit très vite au cubiculaire :

« C’est bien lui, n’est-ce pas ?… Celui qui est au milieu ? »

Il désignait un homme de haute taille, à figure pleine, vêtu d’une ample dalmatique de lin blanc. Une écharpe de couleur brune, comme les bandes de son vêtement, pendait en étole, sur sa poitrine. Maintenu par un cordon rouge, son chapeau conique était rejeté en arrière, inutile maintenant que le soleil était tombé, et les larges bords formaient une sorte d’auréole derrière sa tête chauve. Son front nu paraissait très grand. Son regard aigu et pénétrant sondait de loin les mauvaises consciences.

Delphin, ayant pris un temps, répondit avec importance :

« Oui, celui qui se tient au milieu, c’est Cyprien, l’évêque ! »

Précipitamment, le soldat mit pied à terre, et il s’élança d’une telle hâte vers le voyageur que celui-ci dut arrêter son cheval pour ne pas l’écraser. Le jeune homme s’agenouilla, cherchant à saisir, pour le baiser, le pied pendant du prélat qui se dérobait :

« Père très saint, dit-il, je ne suis qu’un passant pour toi. Je partirai demain, et, sans doute, je ne te verrai plus jamais. C’est pourquoi je veux que tu me bénisses, afin de pouvoir dire, quand je retournerai là-bas, chez mon père : « J’ai été béni par l’évêque et très glorieux confesseur Cyprien ! »

Celui-ci, habitué à ces démonstrations affectueuses de la piété populaire, ébaucha spontanément le geste de la bénédiction. Mais le soldat, s’étant relevé, regarda l’évêque bien en face et lui dit :

« Je suis le fils de Fabius Victor, le centurion, que tu