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de pointes et de cabochons, comme des pustules ou des épines sur une plante grasse et vénéneuse.

Ces femmes n’interrompaient leurs bavardages et leurs criailleries que pour se bourrer de sucreries et de gâteaux au miel, friandises qui donnaient la nausée à Birzil. D’ailleurs toutes les nourritures des nomades la rebutaient. Elle n’arrivait point à s’accoutumer au beurre rance des brebis, au lait sûri des chamelles, aux grillades de mouton, qui sentaient le suint et la laine échauffée. Par ce refus des mets et par mille raffinements de civilisée, dont elle n’avait même pas conscience, la jeune fille se signalait davantage à la haine des épouses, qui, devinant en cette Romaine intelligente et cultivée une rivale redoutable, s’efforçaient par tous les moyens de se débarrasser d’elle. Un jour, en soulevant les couvertures de son lit, elle y trouva blotti un scorpion qui, par miracle, était resté inoffensif. Une autre fois, en s’éveillant, elle faillit s’évanouir de terreur et de dégoût : elle avait dormi sur une ignoble pharmacopée préparée par quelque sorcière de la tribu et composée de débris humains, doigts coupés, mèches de cheveux, bribes de cervelle. Birzil soupçonna l’impérieuse Siddina d’avoir fait placer cette ordure maléfique sous ses oreillers.

Outre l’hostilité des épouses, elle avait à se prémunir contre celle des enfants. Les enfants foisonnaient dans la tente. Ils étaient presque tous aussi méchants que leurs mères. Les filles se montraient déjà menteuses, perfides, ingénieuses à nuire. Quant aux petits garçons, leur turbulence et leur cruauté précoce affolaient leurs nourrices et exaspéraient les bêtes elles-mêmes. Ils mordaient les passants, par derrière, ou, se précipitant à l’improviste, ils leur assénaient des coups de tête, comme de jeunes boucs.

Aussi, ce fut un soulagement pour elle lorsqu’elle se vit transportée avec les femmes à la maison du Village Rouge.

Cette maison, toute en pisé, avait l’aspect fruste et pri-