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avait suivi les Asturiens, vint se placer aux côtés de Victor, et il se mit à considérer l’homme avec attention. L’option lui dit, en baissant la voix :

« Que t’en semble ?… C’est peut-être quelque complice de Sidifann !

– Je le connais ! » dit Cécilius à voix haute.

Et se retournant vers le muletier :

« C’est toi, n’est-ce pas, qui es venu à Muguas, il y a deux mois, conduire un malade ?… »

C’était en effet Pastor, le voiturier de Thubursicum. Au ton bienveillant de Cécilius, il devina en lui un protecteur inespéré. Il s’élança vers le maître de Muguas, qu’il reconnaissait, lui aussi :

« Ah ! seigneur, je t’en prie : défends-moi contre l’officier ! »

Il gesticulait violemment, apostrophait tour à tour Cécilius et Victor :

« Allons ! laisse-moi ! cria-t-il à l’option, puisque l’illustrissime seigneur me connaît !… D’ailleurs, d’ici à Thubursicum, tout le monde connaît Pastor le voiturier… Tu peux demander à Lambèse, à l’Auberge de l’Aigle, ou à Verecunda, aux Trois Perdrix ! Je ne fais que le chemin. Je viens même quelquefois jusqu’ici avec mes équipages… »

Croyant se faire valoir aux yeux du lieutenant et de son compagnon, il ajouta :

« Ainsi, la semaine dernière, j’ai transporté au Village Rouge, dans deux de mes voitures, le gynécée de Sidifann, le grand chef indigène !… »

À ces mots, Cécilius et Victor échangèrent un coup d’œil, qui n’échappa point au muletier. Il crut devoir préciser :

« Dans deux voitures couvertes ! Tu sais que les nomades n’en ont pas. Ils n’ont que leurs chameaux !

– Et ils n’ont pas davantage de maison au Village Rouge, reprit Victor, d’un ton inquisiteur, puisqu’ils vivent sous la tente !…