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Debout, il avait empoigné la bride du cheval de Victor et il le faisait reculer doucement. Puis, mettant la main à sa blouse, les yeux hardis, il regarda le lieutenant :

« Et je suis en règle aussi, dit-il. J’ai sur moi une lettre du décurion de Gemellæ ! Tu veux voir la lettre ?… »

L’homme fouilla dans un petit sachet de cuir pendu à son cou par une chaînette, et il tendit à l’option la tessère officielle. Tandis que celui-ci la parcourait, il bredouilla en mauvais latin :

« Voilà : j’ai loué ces hommes, qui sont avec moi, pour transporter des marchandises sur leurs chameaux. Mes chariots à moi amènent les ballots jusqu’au Calcéus, et ceux-ci viennent les prendre, à la sortie des gorges, pour les charger sur leurs bêtes et les mener ensuite jusqu’aux postes les plus éloignés, en plein désert… Tu comprends, les chariots ne peuvent pas avancer dans le sable. Alors, il faut les chameaux… »

Cependant, Victor, lent à se laisser convaincre, dévisageait l’individu d’un air soupçonneux, tout en repliant la tessère.

« Tu vois, insista l’homme, le papier est en règle : le commandant de Gemellæ me garantit les hommes et il m’autorise à les emmener jusqu’à Lambèse, si besoin est… »

Dans le même moment, le gros de l’escorte, les quarante cavaliers de la turme s’approchaient au galop. Arrogant de sentir derrière lui et de commander cette force imposante, Victor répliqua, l’air querelleur :

« Qui me dit que tu ne l’as pas volé, le papier ? »

Pour le coup, le muletier s’inquiéta. Il feignit une grande indignation :

« Moi ! Voler le papier !… Je te jure que j’ai payé le sou d’or pour l’avoir ! Tu demanderas à ton camarade, le décurion de Gemellæ !… Je te le jure sur les mânes de mon père !… »

Il levait la main, avec une mimique solennelle, en écarquillant les yeux, comme pour qu’on lui lût la vérité jusqu’au fond du cœur. Sur ces entrefaites, Cécilius, qui