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et là, s’étant joints à des nomades, ils avaient rebroussé chemin vers le Calcéus. Les archers syriens, après avoir vainement essayé de leur barrer la route, s’étaient vus obligés de se renfermer dans leur bordj. C’est ainsi que les Maures avaient pu piller et incendier la villa, emmener Birzil et toute sa maison en captivité. »

Cécilius, qui, sachant l’insécurité des campagnes, avait toujours redouté cet événement, se maudit de sa faiblesse. Par quel sortilège se trouvait-il ainsi désarmé devant la volonté de cette enfant, ou plutôt la volonté de Thadir, qui lui dictait toutes ses démarches ? Il fallait que son ancien amour pour Lélia Juliana eût enfoncé en lui des racines bien vivaces et que, devant le visage en pleurs de la jeune fille, il revît, jusqu’à l’hallucination, le visage chéri de la morte !… Quel châtiment pour elle ! Quelle leçon pour lui ! Et il s’énumérait tous les dangers qu’elle courait chez les Nomades et dont le pire n’était pas la mort. Mais surtout, ce qui l’accablait, c’était la pensée des démarches qu’il allait être obligé de tenter auprès des autorités militaires pour obtenir la poursuite des ravisseurs. Quelle attitude humiliée cela lui imposait devant le légat ! Non seulement, comme chrétien, il serait forcé de s’excuser, de plaider sa cause et celle des frères, de donner toutes les assurances de repentir peut-être, mais de flatter ce soudard, de tâcher de l’attendrir en faveur de Birzil !… Jamais il ne s’était senti si bas. Jamais il n’avait eu une conscience plus honteuse et plus douloureuse du désaccord, qui se perpétuait et s’aggravait sans cesse, entre sa conduite et ses principes de vie.

Dans la douleur et dans le trouble que lui causait cette catastrophe, une petite circonstance lui parut néanmoins de bon augure : c’est que Julius Martialis, le triumvir, dont il savait, malgré tout, la bienveillance à son égard, était mandé avec lui à Lambèse. La même voiture de la poste devait venir les prendre à Cirta.

Effectivement, ils firent route ensemble. Mais Martialis, sans lui témoigner précisément de la froideur, se mon-