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vait résilier son contrat de fermage. Il le résilierait avec perte, c’était certain ! Et quelle diminution de ses revenus ! La plus grosse part en venait de Sigus… Lui, sans doute, il pouvait vivre dans la médiocrité, dans la pauvreté même ! Mais Birzil, accoutumée à une existence fastueuse, pouvait-il la condamner à une vie plus modeste, qui lui paraîtrait misérable ? Car, réduite à son seul héritage, la jeune fille était pauvre. Son père avait gaspillé une fortune énorme en constructions insensées, en réceptions ruineuses.

Birzil pauvre ! Il ne pouvait supporter cette idée… Qu’il était donc malaisé d’accorder l’enseignement du Christ avec les exigences de la pratique ! Il le sentait : son amour pour sa fille adoptive allait peu à peu endurcir son cœur pour tout le reste… Eh bien ! oui ; il ne penserait plus à la mine, ni aux tortures des condamnés. D’ailleurs, n’en avait-il pas retiré le dernier survivant chrétien ? Cyprien ne pourrait plus l’accuser d’être indifférent aux souffrances des frères !

Dans le même moment, derrière les ifs du jardin, du côté des basses-cours, tout à coup un coq chanta. Cécilius se souvint du récit évangélique : une rougeur lui monta au front. Il était un renégat ! Il trahissait les promesses, les engagements pris devant sa conscience. Nerveux, agité, il se leva brusquement de la table où il s’était accoudé, en se murmurant à lui-même :

« Puisque c’est impossible !… »

Et il descendit vers la pergola où la fille de Lélia Juliana avait coutume de lire ses histoires merveilleuses.


Quelques jours après, la nouvelle parvint à Cirta d’une grande défaite infligée aux Barbares, du côté d’Auzia. Les auxiliaires germains, qui s’étaient joints aux montagnards des Babors, avaient été massacrés jusqu’au dernier. On respirait. La Numidie se trouvait désormais à l’abri de l’invasion. En même temps, la réponse de Birzil, qui avait beaucoup tardé, en raison des mouvements