bré de chariots vides, que les chevaux traînaient en longues files vers les chantiers. Dans un renfoncement de la paroi, un rais de lumière filtrait par une fente verticale. Mappalicus poussa une porte feutrée de grosse toile de sac : une odeur chaude de bêtes et de fourrage s’en exhala. L’écurie était creusée en cet endroit, un peu en retrait de la galerie. Elle semblait déserte. La lampe pendue au toit n’éclairait, près de l’entrée, qu’une statuette de divinité dans une niche fleurie de guirlandes : c’était celle d’Épone, la déesse des écuries, figure de paysanne aux joues vermillonnées, qui, d’une main, s’appuyait sur une fourche et, de l’autre, tenait une étrille. Les chevaux travaillaient au dehors. Dans le halo trouble on ne distinguait que des amoncellements de litières et, tombant en lambeaux poussiéreux de toutes les saillies du plafond et des murailles, d’invraisemblables toiles d’araignées.
Près du coffre à orge, un vieux dormait, recroquevillé dans la paille, la respiration rauque et embarrassée :
« C’est lui ! dit Mappalicus. Vois, maître, on dirait un mort ! »
La face livide, comme empoisonné par les exhalaisons de la mine, il était d’une maigreur presque risible. Les entraves pesantes qui lui emprisonnaient les deux jambes se rattachaient par une chaîne à sa ceinture, de sorte que le prisonnier, perpétuellement courbé, ne pouvait jamais redresser sa taille. De la tête aux pieds, pas une place de son corps n’était intacte. Les brodequins, les verges, les ongles de fer l’avaient sillonné partout d’entailles et de cicatrices. Un coup de fouet lui avait arraché le lobe de l’oreille et balafré la joue. Son front rasé portait la brûlure rosâtre de la marque. Ses clavicules se creusaient en salières profondes, et, sous l’étoffe rugueuse de sa blouse, on voyait son cœur battre, comme s’il était à nu. Une de ses mains saignait : sans doute, il avait été mordu par les rats pendant son sommeil.