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talité s’exaltait comme un cri prophétique : Tu vivras… Tu vivras dans le Christ… Tu vivras éternellement… Et plus loin : Lucilla, puisses-tu vivre avec les tiens !… Lucilla, ma douce amie, tu vivras éternellement en Dieu… Au-dessous, quelqu’un d’illettré, un homme du peuple sans doute, avait écrit en latin barbare : Saintes âmes, souvenez-vous du pauvre Marcianus !… En lisant ces appels tout frémissants d’un espoir invincible, les paupières de Cécilius s’emplissaient de larmes. Quelle confiance, quelle ardeur de foi !… Comme de lamentables oiseaux emportés par la tourmente, les âmes fraternelles perdues dans cette nuit d’horreur se cherchaient, se faisaient signe, finissaient par se retrouver, ne fût-ce qu’une minute. Elles n’étaient pas seules dans ces ténèbres. Par la mutuelle charité des frères, un rayon du Christ parvenait jusqu’à elles : Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles… Et le cri de ralliement qui montait de toutes ces pierres : « Tu vivras, tu vivras dans l’éternité, » ce défi jeté à la mort par des suppliciés qui étaient déjà des cadavres, avec quel éclat fulgurant il résonnait dans ce silence de sépulcre ! Cécilius s’était agenouillé devant la dernière inscription : « Souvenez-vous du pauvre Marcianus ! » et, pour que le vœu du misérable fût exaucé, il le commémorait dans le Christ.

Cependant Mappalicus qui l’avait devancé, revint sur ses pas, le toucha à l’épaule :

« Maître, dit-il, si tu t’arrêtes continuellement, nous arriverons peut-être trop tard… Il n’y a plus que quelques pas à faire. Privatianus est ici tout près, dans son écurie. Car, — je te l’ai dit, n’est-ce pas ? — le malheureux soigne les chevaux de la mine. Il était trop faible pour manier le pic ou porter des fardeaux. Grâce à moi, il a obtenu ce travail plus doux… Mais presse-toi, car nous sommes en retard. Les charretiers vont être là dans un instant pour prendre leur repas : il ne faut pas leur donner de soupçon !… »

Bientôt, en effet, ils parvinrent à un carrefour encom-