avait pris un ascendant incompréhensible sur Lélia, la mère de Birzil. À ce souvenir, Cécilius se troubla… Et voici que l’enfant était soumise à l’esclave comme la mère ! C’était la fascination de la barbarie sur une nature trop affinée. Maintes fois il avait voulu renvoyer Thadir. Mais, devant les larmes de la jeune fille, il lui fallait bien céder. Malgré son adoption, celle-ci n’avait jamais consenti à l’appeler « mon père », et Cécilius attribuait cette réserve blessante aux suggestions de la vieille femme.
Il remuait encore ces pensées pénibles, lorsque Birzil parut, la démarche traînante, l’air las, enveloppée dans une stola très ample et très lâche, la tête cachée sous un voile, qui dissimulait complètement son visage et à travers lequel elle ne voyait clair que par une fente étroite, à la façon des femmes d’Arabie. Elle jeta son voile, se laissa baiser au front et s’affala sur les coussins d’un lit de repos très bas. Ses yeux vagues, comme chargés de songe, semblaient continuer la lecture du livre laissé là-bas. Elle dit, d’un ton à la fois boudeur et câlin :
« Que me veux-tu, cher grand ami ?
– Birzil, fit Cécilius en prenant son air le plus paternel, nous allons quitter Muguas. Moi, je pars pour Sigus. Mais j’ai l’intention de passer avec toi la saison chaude à Rusicade, dans une villa délicieuse, au bord de la mer… Tu m’y précéderas seulement de quelques jours… »
Mais la jeune fille se récria : elle ne redoutait nullement la chaleur, répétant qu’elle était une vraie Gétule. Puisque Cécilius partait pour le Sud, qu’il l’emmenât avec lui. Tandis qu’il s’arrêterait aux mines, elle poursuivrait jusqu’au Calcéus, à l’entrée du désert.
Que t’importe, dit-elle, Rusicade ou le Calcéus ? Les deux villas sont également agréables pour toi. Mais, au Calcéus, moi je pourrai faire de grandes courses dans le désert et dans les palmeraies… »
Et, s’exaltant tout à coup, elle se mit à battre des mains :