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SUR LES TOMBES DU CIMETIÈRE

— Ce qu’il y a de plus grand encore dans tout cela, dit Lucien, c’est que nous ne pensons même plus aux risques que nous courons : telle est devenue notre résignation et notre acceptation de vivre aux côtés de la mort.

— Les sociétés ont toujours eu, dit Vaissette, une estime particulière pour les armées. Elles les paraient de gloire, même quand le service consistait à plastronner en costume flambant dans les villes de garnison et quand la médaille militaire se gagnait en faisant balayer, quinze années durant, la cour d’une caserne et ses abords. Elles avaient tort, sans doute : car si la noblesse humaine consiste à affronter d’un cœur serein et d’une âme tranquille la lutte et ses coups meurtriers, les soldats, moins exposés que les mineurs ou les cheminots, avaient moins droit à notre respect que n’importe quel ouvrier de nos usines modernes et n’importe quel employé de nos cités malsaines.

Ainsi parlait le sergent Vaissette, esprit pacifique et fils de paysan, civil habillé en militaire, civil encore d’allures et de senti-