Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
SUR LES TOMBES DU CIMETIÈRE

et leurs squelettes, se dressaient comme remontant des enfers. Ils se mêlaient aux morts d’hier en une communion fraternelle. Le même engin semblait avoir voulu tirer de leur funèbre lit les dormeurs des temps révolus pour leur substituer, au champ du repos, ces nouveau-nés du néant. Une paix indifférente et juste pleuvait du ciel, comme la lumière blanche, sur les corps livides aux uniformes gris et sur les cadavres desséchés.

— Qui distinguera les uns des autres dans quelques mois, dit Vaissette, au sein de la terre maternelle, ceux qui, dans chaque camp, tombent pour leur patrie ?

Le voyage d’un lourd nuage cacha la lune. Tous deux s’étaient assis sur une stèle brisée, parmi des plants de lierre déracinés. À leurs pieds, la mélinite avait creusé un trou béant.

— La grandeur morale de la guerre, dit Fabre, consiste à nous faire vivre avec l’idée de la mort. Il se joue ainsi dans l’âme de chacun de nous un drame autrement profond que le drame extérieur de la bataille. La guerre est la honte de l’humanité si on la considère en elle-même ; elle en est la sanctification si on la