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L’APPEL DU SOL

surpris tandis que des compagnies étaient au repos. Il y avait là cinq cents hommes qui sommeillaient, qui préparaient la soupe, qui écrivaient pour leur foyer lointain des mots de haine et d’espoir, qui vivaient. La rafale avait passé. C’étaient maintenant cinq cents cadavres : déchiquetés, en lambeaux, on n’aurait pas su reconstituer les corps, tant les membres épars étaient mêlés les uns aux autres.

Cinq sous-officiers étaient étendus devant l’entrée, frappés par le même obus. Les lourdes mouches bleues et vertes prolongeaient, par la tiédeur nocturne, leur labeur du jour sur les plaies. Un tambour large et plat avait volé jusque sur la croix de la porte : il la couronnait.

Des trous énormes avaient remué le sol du cimetière. Ils en avaient fouillé les entrailles. Toutes les tombes étaient démolies. La pierre et le marbre avaient volé en éclats. Les percutants, en labourant la terre, avaient creusé des fosses immenses : des soldats tués s’y étaient enfouis. Leurs membres raidis apparaissaient. Les vieux cercueils avaient surgi, éventrés, des décombres. Les morts anciens, leurs linceuls