Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
SUR LES TOMBES DU CIMETIÈRE

Mais, esclave de la consigne, il demanda le mot. Fabre ne le savait pas. Le mot est fait pour n’être connu que des états-majors et des espions.

— Ulm, dit-il à tout hasard.

— Non, c’est Marseille, répondit triomphalement le soldat.

— Marseille, répéta l’officier.

— Passez, fit l’homme en s’écartant et en se mettant au port d’armes pour saluer.

Lucien et Vaissette firent quelques pas sur le chemin.

À droite s’élevait un talus d’où l’on avait une large vue sur le paysage : des champs en jachère où donnait la clarté de la lune. Ils y montèrent. L’odeur fade des cadavres en décomposition les écœura, les rappela aux réalités de la bataille : la nuit était si chaude, si limpide, si calme qu’on les eût oubliées. Un mur démoli par endroits, où s’ouvraient de larges brèches, entourait le cimetière rustique. Ils y entrèrent.

Ce fut pour eux une vision d’épouvante. Deux jours avant, un bataillon allemand avait pu s’avancer jusque-là. Notre artillerie l’avait