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L’APPEL DU SOL

Ils parcouraient ensemble les rues du village où déjà les hommes dormaient. Aucun bruit. L’immense paix des champs s’étalait, comme une revanche de la terre. La lune se montrait dans un ciel d’été lourd de nuages. Sa lumière faisait rayonner le brouillard qui montait du sol.

— Vous allez être, poursuivit Vaissette, notre commandant de compagnie.

— Pauvre capitaine ! répondit Lucien.

Et il resta silencieux. Son chagrin était profond, plus cuisant que la veille. Il se rappelait ses hommes disparus, l’année qu’il venait de vivre avec le capitaine dans un poste isolé des Alpes, la semaine de la mobilisation, ces premiers jours de campagne où Nicolaï avait soudain grandi avec les événements, aussi fier, aussi rude que la tempête elle-même, et simple jusque dans la mort.

— C’est bête la guerre, assura l’officier.

Et Lucien Fabre songea :

— Parmi nous c’est évidemment le meilleur qui a été frappé. Il ne s’était pas plus offert à la mort, ni moins exposé. Et voici, il a été atteint de quatre coups de baïonnette, et ni