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L’APPEL DU SOL

grand gaillard atteint à la fois par sa balle et par la baïonnette d’un chasseur qui le cloue contre un arbre ; les moulinets d’un de ses hommes qui tient le fusil par le canon, écrasant les nuques et les visages avec la crosse ; les cadavres sur lesquels on trébuche ; les blessés qui vous saisissent la jambe ou qui s’étreignent dans un suprême corps à corps ; l’acier étincelant, la lame large et plate qui s’approche de la poitrine ; et, sous la décharge du revolver, des corps qui s’effondrent, des corps qui s’abattent…

Voici : c’est le grand silence. Lucien regarde autour de lui. Il se réveille. Là-haut le soleil flambe, ivre de clarté. Par terre les blessés râlent ; les pauvres vareuses bleues, les malheureuses tuniques grisâtres, les casques et les fusils, les sacs de fourrure fauve et ceux de toile grise, les cartouchières noires et les musettes brunes jonchent le sol. Les arbustes ont été hachés comme par la grêle. Il y a debout, sur le terrain, quelques chasseurs qui regardent tout autour, revenant à eux-mêmes. Il y a, cent mètres plus loin, des fantassins allemands qui repassent la rivière, qui s’en-