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L’APPEL DU SOL

— Permettez-moi de vous embrasser.

Le rude soldat l’étreignit contre lui. Alors, tout bas, dans l’oreille, son lieutenant lui murmura :

— Je crois que j’ai un peu peur.

Le capitaine se leva. Sa silhouette se détacha sur l’horizon. Des balles sifflèrent.

— Parbleu, moi aussi, fit-il de sa voix chantante et calme… Vaissette, faites exécuter un feu par salves à 1 400 mètres, pour avoir vos hommes bien en main… Mais voilà ce qu’il ne faut jamais s’avouer à soi-même… Respirez l’odeur de la poudre et du danger… Il faut se donner l’attitude de l’héroïsme : c’est le geste qui nous aide à réaliser le sentiment dont il est le signe… Moi, j’ai attendu cette guerre pendant vingt ans… Je goûte pleinement la beauté de cette minute.

Les chasseurs venaient de saluer d’une rafale la première ligne, lointaine encore, des tirailleurs prussiens.

— Au temps, commanda le capitaine.

Il reprit, se tournant vers Fabre :

— Rien ne nous grandit comme cet amour du danger.