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LA MORT D’UN SOLDAT

Il faisait voler des cailloux et des pommes de terre qu’il sortait du sol : par là seulement se manifestait son énervement. Il exposa la situation à son sous-lieutenant. Il ajouta :

— Je ne sais rien du commandant. La division ne me répond pas. Je n’ai pas d’ordres.

— Mais alors, comment peut-on vaincre ? demanda Lucien avec angoisse.

— Il faut bien qu’il y ait un vaincu, répondit Nicolaï…

Il resta songeur, puis il poursuivit :

— Ce ne sera pas nous, si chacun tient. Là se borne notre rôle. Nous n’avons pas d’autre responsabilité.

Lucien Fabre se sentait déprimé par cette avalanche de mitraille. Mais il souriait, à cause de ses hommes qui, par instants, angoissés, regardaient vers lui.

— J’ai l’argent de la compagnie dans la poche droite de ma vareuse, dit Nicolaï.

— Nous sommes fichus, mon capitaine, répondit le jeune homme. Mais nous mourrons en même temps.

Il ajouta :