Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
L’APPEL DU SOL

sion de l’infanterie ennemie vers le cours d’eau. Nicolaï jeta un coup d’œil, remarqua le mouvement.

— Ils sont trop loin, fit-il. Nous n’avons qu’à les laisser venir.

Il fallait élever le ton de la voix pour s’entendre, tant les éclatements des projectiles étaient nombreux et proches. Ils encadraient la section sans d’ailleurs lui faire beaucoup de mal. Les chasseurs étaient allongés, immobiles, l’arme chargée, protégés chacun par un petit tas de terre humide, qu’ils avaient élevé devant eux comme un rempart fragile. Un roulement continu dominait tout : la bataille était déchaînée sur plusieurs centaines de kilomètres.

— Il en est qui meurent à droite jusqu’en Alsace. Il en est qui meurent à gauche jusqu’en Belgique, dit Lucien.

Il ajouta :

— Je n’ai jamais eu une impression d’isolement aussi intense qu’au milieu de ce tumulte.

— À la grâce de Dieu ! répondit Nicolaï.

Il s’était assis, face à la rivière, fixant l’horizon et labourant le sol avec son bâton ferré.