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LA RETRAITE

ligne, des chasseurs à pied, des artilleurs. On ne reconnaît plus les uniformes, tant la poussière et la boue les ont souillés. Il y a des blessés qu’on a déshabillés pour trouver la plaie. Ils sont à moitié nus sous l’averse. La matinée est glaciale. La plupart des hommes n’ont plus de sac ni de fusil. D’autres, la veille, par la retraite sous la brûlure du soleil, ont abandonné même leur capote. Ils fuient, à présent, avec leur pantalon garance, leur chemise et leur képi. La pluie régulière les transperce.

Point de compagnies. Pas même de régiment. Tous pêle-mêle. Et chez tous la même hâte, le même épuisement. Un frisson d’épouvante s’est emparé de tous ces gens-là. On dirait que l’ennemi les talonne. Ils marchent aussi vite que le leur permet la fatigue. Ils crèvent de faim.

Bientôt, c’est pire. Parmi les soldats, il y a des civils. Des paysans qui se sauvent aussi : leurs voitures vermoulues, traînées par les rosses dont n’a pas voulu la réquisition. Toute une famille sur un char, allongée sur un matelas. D’autres à pied. Un homme tire par la corde une génisse. Une femme pousse une