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LA RETRAITE

tiré un coup de fusil. On n’avait pas vu l’ennemi.

De là-bas, près des batteries sans doute, des projecteurs trouaient l’air, comme pendant le jour les obus. Ils balayaient l’étendue de leurs rayons déployés, semblables aux branches d’un éventail. Le plateau dévalait vers une rivière. Sur l’autre rive, assez loin, une ferme brûlait. Rien ne troublait le silence nocturne.

— Ils tiraient sur nous à dix kilomètres de distance, disait le capitaine Nicolaï, qui fumait toujours.

— Nous allons le leur faire payer cher, déclara le lieutenant Serre.

Celui-ci manquait en général d’esprit critique et jamais on ne l’avait pris pour un génie. Mais il était ponctuel et naturellement courageux. Sorti du rang, il était dur pour les autres et pour lui. Ses jugements étaient prompts. Il les imposait à ses inférieurs, car il avait le sens de la discipline. Il aimait à les énoncer, sans du reste être en mesure de les défendre. Il ne se faisait pas de ce monde et des événements une conception philosophique.

Nicolaï ne lui répondit pas. Ces obus, venus