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L’APPEL DU SOL

de ces hommes n’a pensé à reculer. Je songe qu’ils attendent tous la mort avec une acceptation résignée et stoïque. Je songe que certains d’entre eux sont déjà inanimés. Or, nous consentons par une sorte d’instinct au sacrifice, sans en éprouver la beauté ni en percevoir la raison. Et pas un de nous ne s’est dit encore qu’il affrontait ces périls pour la patrie.

— C’est là, repartit l’officier, ce qu’il y a de plus haut dans notre sacrifice. C’est un martyre inconscient pour une idée qui nous dépasse. Nous n’avons pas plus la claire notion de cette grandeur que tout à l’heure vous n’avez eu celle de votre courage.

— Croyez-vous, mon lieutenant, reprit Vaissette, que ce fut le cas des guerriers vantés par l’histoire, combattants de Marathon ou soldats de l’an II ?

— Sans doute, fit celui-ci, car en présence de la mort, l’être humain n’obéit plus qu’à l’instinct physique de sa conservation ou bien à une volonté fixe de dévouement, née d’enthousiasmes antérieurs et demeurée en lui.

— C’est une discipline militaire et morale, ajouta le sergent. La résignation chrétienne, le