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LES PRISONNIERS

de la Thuringe ou de la Saxe, pour faire de la musique en buvant de la bière. Il y avait de lourdes ménagères blondes qui avaient le culte de leur maison. Des jeunes gens se promenaient encore, le dimanche, sous les tilleuls embaumés des bords du Rhin. Werther et Charlotte n’étaient point tous morts en Germanie… Nous pouvions croire à une paix éternelle. Nous pouvions croire du moins à une guerre loyale. Ils ont commis toutes les déloyautés et ils ont si bien tiré de la guerre toutes ses conséquences et toutes ses manifestations d’horreur qu’ils se sont déshonorés. Ils ont ressuscité la barbarie : je les hais, car leur guerre est un attentat contre la culture du monde.

— Ne vous désolez pas, Vaissette, dit le capitaine.

Il était grave et son regard se perdait vers l’horizon. Il sentait bien la tristesse intime qu’éprouvait son jeune officier pour tous ses rêves déçus. Vaissette ajouta :

— L’homme n’a jamais été aussi dur pour l’homme. Je ne peux plus croire au progrès humain : l’humanité est pire que jamais.